© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

Cinéma à l’université. Le regard et le geste

Bertrand Gevart
,
Constance Pasquier
,
Frédéric Sojcher

Texte

En cette rentrée académique et artistique de septembre 2020, le livre intitulé Cinéma à l’Université. Le regard et le geste coordonné par Frédéric Sojcher et Serge Le Peron dresse un état des lieux des rapports qu’entretiennent l’université et l’enseignement du cinéma.

Envisagé comme des regards croisés, les différents collaborateurs de l’ouvrage proposent des «possibles» et des «renouvellements» de l’enseignement du cinéma à l’université.

Alors que certains fustigent la part de création nécessaire entre les murs parfois rigides des universités, ce livre œuvre pour un décloisonnement et une réconciliation de la pratique et de la théorie.

À travers leurs regards, leurs anecdotes, leurs analyses, leurs exemples, l’ouvrage traverse l’actualité des études en cinéma et en dépeint une trajectoire lucide et intrinsèquement ouverte.


*


Cinergie
: Le livre offre plusieurs portes d’accès. Il y a celle de l’Histoire du cinéma, de la Théorie du cinéma, mais aussi de la Pratique du cinéma. Pouvez-vous nous expliquer sa genèse?


Frédéric Sojcher: Ce livre est né afin de poursuivre les réflexions proposées dans un manifeste auquel avaient participé plusieurs professeurs d'universités dont Muriel Andrin et Dominique Nasta, il y a deux ou trois ans.
Mais il a également pris forme par la nécessité qui le sous-tend: un état des lieux de l’enseignement du cinéma à l’université.

Ce livre, coordonné avec Serge Le Perron, cinéaste de plusieurs longs-métrages, critique aux Cahiers du cinéma, professeur à Paris 8 et moi-même, est particulier puisque nous avons tous deux une double casquette d’enseignant et de cinéaste, côtoyant l’université et les tournages.

L’idée n’est pas de diviser théorie du cinéma et pratique, mais d'envisager les vases communicants entre les deux, de réfléchir et de faire, d’où le sous-titre du livre: le regard et le geste.

Il n’ y a pas d’antagonismes à être cinéphile ou critique de cinéma et après vouloir réaliser, mais il peut y avoir une dynamique vertueuse, de créer des vases communicants entre professionnels, étudiants, réalisateurs et chercheurs.

Le livre regroupe plus de 50 collaborateurs tels qu'Alain Bergala, Henri François Imbert, Antoine De Baecque et bien d’autres, des collaborateurs issus de tous les milieux, des professionnels enseignants et des universitaires.




Quelles sont les spécificités de l’enseignement du cinéma à l’université?


L’université doit être un lieu où il est possible de réaliser des films mais aussi un lieu où on pense les films.
Le secteur de la recherche à l’université est essentiel, car il permet à l’étudiant d’analyser en profondeur ce qui définit tel ou tel film et sa construction narrative, son langage.
Enfin, à côté des cours théoriques, s’articulent également des ateliers d’écriture et de réalisations.
Selon moi, la spécificité de l’université c’est précisément qu’elle offre un lieu fertile à l’expérimentation et à la recherche, sur le plan théorique et pratique.
C’est un lieu qui permet de faire des recherches pratiques sur le cinéma, par des films et des thèses. Cette double approche a été défendue par Jean Rouch: l’articulation de la recherche et de la création.



Néanmoins, l’université semble se heurter à certaines limites internes et externes.


J’ai cette sensation étrange qu’il y a des résistances, des archaïsmes au cœur de l’université.
Il y a des cinéastes qui me traitent d’intello et, à l’inverse, des professeurs d’université qui ne me voient pas comme un théoricien.
Je ne vois pas pourquoi il y aurait des contradictions entre les deux. En effet, beaucoup d’universitaires sont hermétiques ou méfiants vis-à-vis de la création au sein de l’université.
Pourtant, ce que nous défendons s’inscrit très clairement dans les propositions de Nicole Brenez qui défend l’expérimentation, l’ouverture à la création au sein de l’université.
Ce qui est dommageable, c’est que le cinéma est instrumentalisé pour d’autres disciplines: gender studies et cinéma, philosophie et cinéma, mais on ne parle pas de création, seulement de développement d’une autre pensée universitaire. Dominique Chateau défend l’idée que la pratique et la théorie peuvent s’enrichir mutuellement ; lui-même enthousiaste pour organiser des rencontres avec des cinéastes par exemple.
Je pense qu’il y a des solutions au sein de l’université, mais bien entendu il y a des limites techniques et financières.



Comment la pratique peut-elle être une forme de pensée?


Après avoir fait un film, par l’expérience, on peut penser le cinéma, ça peut être très stimulant d’avoir des praticiens qui transmettent ce qu’ils ont connu.
Au sein du Master que je coordonne, j’envisage le rapport entre création et économie et j’envisage la réflexion sur les liens qu’entretiennent la production et les résultats esthétiques du film.
Le producteur est essentiel, mais le cinéaste va faire des choix qui influent sur l’esthétique générale et finale du film.

C’est donc une pratique sur le comment on fait des films qui devient une manière de penser le film.




© Bertrand Gevart, Constance Pasquier,  Frédéric Sojcher, site internet Cinergie be 28.09.2020




Metadata

Auteurs
Bertrand Gevart
,
Constance Pasquier
,
Frédéric Sojcher
Sujet
Ouvrage collectif. Cinéma à l'université, le regard et le geste. Direction Frédéric Sojcher Serge le Peron
Genre
Entretien
Langue
Français
Relation
Site internet Cinergie be 28.09.2020
Droits
© Bertrand Gevart, Constance Pasquier, Frédéric Sojcher, site internet Cinergie be 28.09.2020