© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

L’Amérique des Wallons, un film de Robert Mayence,1975, sur Auvio (2020)

Kevin Giraud

Texte

«Nous allons chanter à c’t’heure l’histoire de tous les Wallons.»

Ainsi, ou à peu près, s’ouvre L’Amérique des Wallons, les cousins wallons du Wisconsin, documentaire d’un autre temps que la Sonuma (v. lien en bas de page) a fait renaître à l’occasion des élections américaines du 3 novembre 2020.


Disponible aussi sur Auvio (v. lien en bas de page) le film de Robert Mayence nous emmène avec gaieté à la découverte des Wallons américains, descendants directs des émigrés qui fuirent par milliers la Belgique à la fin 19e siècle.


*


Certains le firent pour des raisons économiques, d’autres pour des raisons religieuses.
Arrivés sur place, ils fondèrent des bourgades aux noms évocateurs de Namur, ou Brussels, et perpétuèrent le dialecte et la langue au sein de leurs foyers.

Près de 100 ans plus tard, en 1975, c’est un groupe de Belges accompagné d’une troupe folklorique wallonne qui part à la rencontre de ces cousins éloignés, et que le réalisateur suit dans ce mélange de pèlerinage et tour-opérateur.

Cette dualité entre souvenir et avenir traverse le documentaire de Robert Mayence, filmant tour à tour les plus âgés de ces touristes belges, et les jeunes Américains qui n’ont plus de "wallons" que le nom. Des Belges à la fois fascinés par la culture américaine, comme ont pu l’être leurs ancêtres avant eux, et en même temps assez frileux face aux «hamburguères» qu’on leur sert à la fête organisée en leur honneur, et à cette bière «que l’on sert en quantité car elle est légère comme de l’eau».

Mais malgré cette barrière culturelle, converser en wallon et entonner avec les choeurs la chanson du Doudou, ou Li Biat Bouquet de Namur, donne lieu à des scènes aussi attendrissantes qu’uniques.

Au travers de ces contacts, les personnages du film échangent sur leur quotidien, sur leurs généalogies. Une Belgique rurale à la rencontre d’une Amérique qui l’est également, si ce n’est avec plus d’espace. Des grandes étendues où s’égrainent les granges rouges, vertes, bleues, et les silos dans un style devenu iconique. On est bien loin des fermes en carré flamandes auxquelles les protagonistes sont habitués.


*

Quand le réalisateur réussit enfin à s’échapper du petit train-train des bus et des visites qui s’enchaînent, il part à la rencontre des familles et des touristes qui ont réussi à fuir les sentiers battus du tour-opérateur.

Un autre volet du film, plus lent, plus intime, se dévoile à nous, alors que nous assistons à une partie de cartes entre Wallons des deux continents, capturée par la caméra.

Mais il est déjà temps de remonter dans le bus, aux cris stridents de la cheffe de tour.

Le voyage lissé recommence, l’Amérique se met en scène comme elle sait si bien le faire.
À l’image de cette partie de baseball d’enfants, «improvisée» pour les besoins du tour.
Ou à l’image de ce «Belgian Day», mettant à l’honneur les touristes en les intégrant dans un défilé à l’américaine, après leur avoir fait découvrir le «folklore local» qui est le leur, à savoir une groupe de musique amérindienne…

Mais qu’importe après tout, c’est l’hospitalité patrimoniale qui prime, reconnue en Amérique comme en Belgique si l’on en croit le diplomate belge venu saluer l’événement.
Un patrimoine qui a su se transmettre à travers les âges et à coups d'américanisation, même si pour les Belges comme pour les Américains, celui-ci se perd avec la jeune génération.


*


Vérité ou simplement sentiment du «c’était mieux avant»? En tout cas, la communauté wallonne fait tache à son arrivée à New York. La modernité ne les a pas attendus, et les danseurs folkloriques qui trouvaient leur place dans l’Amérique rurale semblent sortis d’un autre temps au pied du Rockefeller Center.

Aujourd’hui, Brussels Wisconsin accueille encore un Belgian Days annuel.
Les granges ont rouillé, le Covid est passé par là, mais chaque année, on peut encore y manger des tripes, à défaut d’y chanter Li Bia Bouquet.


© Kevin Giraud, site internet Cinergie be 4.11. 2020


*


Archives SONUMA  voir le documentaire  L' Amérique des Wallons, durée 66 min., réal. Robert Mayence, 1975.

Idem sur AUVIO, 2020 voir le documentaire  L' Amérique des Wallons.


[Note de la Fédération Wallonie Bruxelles] Sur le même sujet, lire et voir également:

L'ouvrage  Les Wallons du Wisconsin, 2011, par Françoise Lempereur et Xavier Istasse
qui a donné lieu au 
film documentaire  Namur Wisconsin, 2015, par Xavier Istasse.








Metadata

Auteurs
Kevin Giraud
Sujet
Documentaire Wallons aux Etats-Unis. Fin 19e siècle. 1975. Implantation. Traaditions.
Genre
Chronique cinéma
Langue
Français, wallon
Relation
Site internet Cinergie be 4.11. 2020
Droits
© Kevin Giraud, site internet Cinergie be 4.11. 2020