© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

L'orthographe, cette grande faucheuse

Jérôme Piron
,
Arnaud Hoedt
,
Aldwin Raoul

Texte

On l'a vu avec la « guerre du nénufar » XX , toucher à la langue se révèle délicat et soulève des passions que l'on n'aurait pas soupçonnées. Jérôme Piron et Arnaud Hoedt, avec leur spectacle "La Convivialité" XX, ont donné un bon coup de pied dans la fourmilière en rendant accessible et tangible des questionnements jusque-là réservés aux linguistes, aux pouvoirs publics et aux ronronnements réactionnaires. On est allé observer les fourmis avec eux.


*


Commençons par le commencement...

1. Qu'est-ce que l'orthographe?

On peut faire une définition basique et technique. L'orthographe c'est l'écriture de la langue, donc c'est pas la langue elle-même, et encore c'est même pas l'écriture en tant que style et qualité de phrases, c'est le code graphique qui permet de transmettre, donc de retranscrire la langue orale. On a souvent tendance à la confondre avec la langue, c'est ce qui créé toute l'ambigüité du sujet. Parce que si la langue est libre, spontanée, qu'elle évolue souvent toute seule et résiste souvent aux politiques linguistiques, c’est-à-dire qu'elle évolue avec les pratiques, l'orthographe elle, est un code social choisi, déterminée pendant très longtemps par l'Académie Française avec vraiment beaucoup de maladresse et fort peu de compétence.



2. « Quand on entend orthographe on perçoit tapie dans l'ombre la faute, » dit Yvonne Cazal, spécialiste en linguistique médiévale
XX. C'est une impression que vous partagez?


Absolument. La peur de faire des fautes est constitutive même du rapport global du francophone à sa propre langue. Depuis tout petit, un des premiers exercices qu'on fait à l'école c'est la dictée, on n’apprend pas à parler ni à écrire. On apprend que la manière dont on parle ou dont on écrit est souvent fautive par rapport aux normes standards que l'école définit et donc on grandit dans la peur de la faute.
Ou alors quand on est plus chanceux, on grandit dans le flicage de ses petits camarades en se valorisant sur ses compétences orthographiques.

Le problème c'est que ça a pas mal de conséquences négatives. Notamment, la difficulté d'apprentissage des langues étrangères pour les francophones. On sait qu'avoir peur de pratiquer une langue ou de faire des fautes, c'est inhibant. Ça empêche de s'emparer des langues. Un américain quand il parle français, il s'en fout il fait plein de fautes, il fonce, il se jette à l'eau. Le francophone quand il parle dans une langue étrangère il a toujours tendance à avoir peur de faire des fautes.

Effectivement le francophone grandit dans la peur de la faute. Et la dictée est un système de piège destiné à le faire tomber, trébucher. L'enfant, très très jeune, intègre cette notion de faute. D'ailleurs la plupart des temps quand on croise un professeur de français, on demande est-ce que j'ai le droit, est-ce que ça se dit, est-ce que je peux… il y a toujours un rapport à l'autorisation et donc à une sorte de loi divine.



3. Jean-Marie Klinkenberg écrit dans son livre La langue et la cité : « Le savoir courant sur la langue ressemble d'après Willy Bal à un terrain vague : il est « à la fois vide et encombré ». Encombré de bribes de connaissance disparates, et surtout de prétendues évidences. ». Est-ce c’est ce qui vous a donné envie d'écrire la convivialité et de le partager?


Oui, en fait, en entrant dans la langue par l'orthographe et d'ailleurs on le découvre aujourd'hui parce qu’on est en train d'écrire des chroniques pour France Inter qui ne parle pas d'orthographe mais de langue en général, la porte d'entrée de l'orthographe ouvre sur tout un univers complet de représentations fausses, de préjugés, de fausses idées que les gens se font de la langue. Je veux dire par là qu'on a appris énormément de choses fausses et que les médias véhiculent énormément de bêtises sur la langue : le français serait envahi d'anglicisme… La langue périclite… Elle serait en train d'être malmené par des langues étrangères… 


Bref toute une série de choses qui sont linguistiquement fausse. Les chroniques que l'on est en train de rédiger, nous ont fait découvrir des aspects d'ignorance que le francophone a de sa propre langue. Pour une raison assez simple c'est qu'à l'école, il n'a fait pratiquement que du code ou de la norme et donc la dimension descriptive de la langue, c’est-à-dire celle qui décrit la langue telle qu'elle est, et non pas telle qu'elle devrait être, le francophone ne la connait pas. Il décrit sa langue avec des modèles écrits.

Par exemple il décrit sa langue française en considérant qu'elle n'a que cinq voyelles, alors qu'en fait elle en a seize, puisque la langue est avant tout oral. Donc souvent le francophone a une vision biaisée de sa propre langue, il ne s’y retrouve pas bien dedans.




4. Que cela soit dans les discussions avec les proches ou dans les remugles médiatiques autour de la question de la réforme de l'orthographe, on a la sensation de buter répétitivement sur les mêmes pièges, tomber dans les mêmes chaussetrappes. Si on leur faisait un sort, un par un.


a) « Attention malheureux, simplifier la langue nous fait perdre la mémoire étymologique qu'il y a dans les mots ! »

L'étymologie elle a bon dos, on invoque très souvent l'étymologie pour clôturer une conversation en disant c'est étymologique mais quand on a dit ça, on n’a rien dit. La première chose c'est que si effectivement toutes les consonnes étymologiques étaient correctement mises alors pourquoi pas faire référence à l'étymologie.

Mais on sait que les Académiciens ont souvent fait ça n'importe comment, ils ont fait beaucoup d'étymologie de comptoir j'ai envie de dire et c'est ce qui fait que le mot style a un y alors qu'il devrait avoir un i, puisqu'il vient du latin et pas du grec, le mot économie devrait s'écrire comme fœtus si on voulait respecter son origine grecque, et que le mot fantôme a perdu son ph on sait pas vraiment pourquoi puisqu'il vient du grec, enfin bref, on note une série de choses qui sont foireuses, nénufar vient du persan, il n'y a aucune raison de l'écrire avec un ph, etc.

On n’a pas besoin de trace graphique dans un mot pour faire de l'étymologie, on peut très bien faire de l'étymologie dans toutes les langues du monde qui sont phonétiques comme l'espagnol ou l'italien où l'absence de consonne étymologique ne les empêche pas du tout de faire de l'étymologie, de retrouver les origines grecques de leur langue. Les consonnes étymologiques du type ph ou th sont strictement cosmétique en français, on les a rajoutées pour déguiser notre langue en grecque, mais ph c'est le phi (Φ) grecque et il n'y a pas de ph en grecque.

Si on a marqué cette appartenance grecque c'est notamment quand la langue était en concurrence avec l'italien on voulait qu'elle ait l'air grecque ou latine parce que c'était prestigieux. Mais évidemment on a évacué de la langue, sans hésiter, toutes les consonnes étymologiques d'autres langues, comme les langues germaniques, l'arabe ou l'italien. Rien que ces trois langues-là c'est déjà 35 % de tous les mots qu'on a empruntés en français.

L'étymologie c'est un bel argument mais on peut se demander pourquoi garder une consonne plutôt qu'une autre parce que si on gardait toutes les consonnes étymologiques on écrirait digitum et on prononcerait dwa. Il faut savoir qu'on a arrêté de faire évoluer l'orthographe en 1835 à peu près. Alors si on aime tellement cette évolution étymologique qui a fait que des consonnes apparaissaient quand d'autres disparaissaient alors pourquoi vouloir l'arrêter en 1835, on pourrait continuer, soit en ajouter, soit en supprimer.
En gros, l'étymologie c'est un argument qui ne tient pas la route.

b) « Mais enfin, vous n'êtes pas fou, l'orthographe nous permet de différencier les homophones! »

Ah oui comme dans cent, sans, sang, sent, c'en, s'en. C'est vrai que le g de sang qui vient de sanguen permet de le distinguer de cent avec son t qui vient de centu, et ça crée des familles de mots.
Ceci dit si ces familles de mots permettent de faciliter légèrement la lecture, c’est-à-dire qu'on reconnait tout de suite le mot, c'est en réalité le contexte qui prend en charge beaucoup plus de sens que les simples consonnes.
Donc quand vous dites “J'ai perdu mon sang”, personne ne fera de confusion. Pareillement quand vous dites, j'ai loué le seigneur personne ne s'interrogera sur le prix du loyer.
Donc en gros on n’a pas besoin de ces marques de distinction pour lire ces mots de façon rapide et fine.
D'ailleurs les langues qui ont des homophones similaires, comme le français d'ailleurs où on trouve toujours plein d'homophones et d'homographes - des mots qui s'écrivent de la même façon - n'ont pas vraiment de difficulté à les distinguer à l'oral ni même à l'écrit.

c) « Ah, donc sous prétexte que les écoliers d'aujourd'hui écrivent comme des pieds, on va amputer la langue de ce qui fait sa beauté et l'abaisser? »

Alors il y a deux questions dans cette question.

La première : ce n'est pas parce que les écoliers ont une mauvaise orthographe qu'on veut la simplifier, c'est parce qu'elle est foireuse en fait. Les accords du participe passé avec avoir par exemple quand on propose l'invariabilité (c'est pas nous qui la proposons d'abord, c'est les grammairiens, les spécialistes de la langue), c'est parce que ces accords sont grammaticalement obsolètes par rapport à la logique de la langue.

L'accord du participe passé avec avoir a pratiquement disparu à l'oral, il subsiste dans 1 % des cas, et globalement il est en voie de disparition dans les usages, non pas pour des raisons de paresse mais pour des raisons qui se justifient grammaticalement. Vouloir réformer l'orthographe c'est être plus rigoureux avec le code graphique lui-même.

On peut être rigoureux avec les écoliers, mais c'est important d'être rigoureux avec le code, donc l'orthographe qu'on impose aux écoliers. Parce que si on impose un code foireux à des écoliers, on a beaucoup de mal à leur faire respecter. L'orthographe n'est pas enseignable aujourd'hui parce qu'elle est remplie de million d'exceptions, de circonvolutions, de trucs pas très efficaces, parce qu’elle a été phagocytée pendant plus de 400 ans par des incompétents, qu'on appelle les Académiciens français.

La seconde question qui se cache dans cette question c'est l'argument de la beauté. C'est totalement relatif évidemment, ce qui est beau pour l'un sera moche pour l'autre. Pourquoi un circonflexe serait beau ou pas beau. On entend Bernard Pivot qui dit « un typhon avec un seul f n'est qu'une petite tempête », moi j'ai envie de dire le g d'amygdale m'est resté en travers de la gorge pendant toute ma scolarité. On peut jouer au jeu de la poésie tant qu'on veut, la beauté graphique est totalement relative, subjective.

Même l'Académie française l'a réfuté récemment. Danièle Sallenave XX dans une interview que j'entendais à France Info disait qu'il fallait vraiment laisser tomber l'argument de la beauté, parce que l'on considère beau ce à quoi notre œil a été habitué mais si on avait appris une autre forme on la trouverait tout aussi joli et on aurait autant de mal à s'en départir.

d) « Si je suis votre raisonnement, dans quelques décennies, les écoliers qui auront appris la nouvelle orthographe ne seront plus capables de lire les livres écrits aujourd'hui? »

Ah, cet argument je l'ai entendu récemment dans une interview qui date d'une vingtaine d'années quand même ; Helène Carrère d’Encausse, la secrétaire perpétuelle de l'Académie française, disons la cheffe, affirmait qu'il faudrait réimprimer tous les livres parce qu'on ne saurait plus les lire.

Alors c'est complètement faux pour une raison très simple.
Les réformes orthographiques qui sont proposées ne touchent que très peu de forme. Pour la réforme de 1990 on parle de 1 mot toutes les deux pages en moyenne, donc on devrait continuer à se comprendre. Et puis deuxièmement, on réimprime déjà tous les livres.
Quand une édition a 20, 30, 40 ans, on la réimprime. Et dans les pays où l'orthographe évolue, c’est-à-dire dans la plupart des pays du monde, en Allemagne au Portugal par exemple, quand on réédite avec une orthographe actualisée, ça ne pose aucun problème à personne.
Et pour les livres qu'on ne réédite pas, c'est pas très grave. Si dans trente ans on arrive plus à relire Guillaume Musso ça ne sera pas un drame. Mais de toute façon on arrivera à le relire.

e) « Si oignon devient ognon alors je suis orphelin. » (Ici j'essaie de parler de l'impression de bizarrerie que peut produire une nouvelle graphie même sur les plus progressistes.)

Ici c'est encore une fois la question de l'habitude rétinienne. Et puis orphelin, c'est quand même fort, ça veut dire que vous auriez perdu papa et maman, ça voudrait dire que le i de oignon à la même valeur que des parents. Cela expliquerait l'expression : « je tuerais père et mère pour un circonflexe. »

Bref, il faut garder le sens des proportions. C'est ça le problème qu'on a en orthographe. Quand on touche à un cheveu de la langue on a automatiquement le sentiment qu'on va lui tondre le crâne, c'est délirant.


*



5. Une fois que l'on a taillé un peu dans le gras de ces épineux buissons, si vous me passez l'expression, est-ce qu'on peut essayer de comprendre en quoi l'orthographe mérite d'être simplifié?


La langue française n'a jamais connu une aussi grande tension entre son système graphique et son système oral. Ça crée de l'insécurité linguistique permanente chez les utilisateurs, ça éloigne beaucoup de gens de la langue française dans son apprentissage. 

On sait qu'en Afrique, beaucoup de gens se détournent de l'apprentissage du français simplement à cause de sa difficulté graphique.
Donc faire baisser le nombre de locuteurs francophones, c'est mettre la langue en péril, puisque ce qui fait la richesse, la vivacité d'une langue, c'est le nombre de ses locuteurs avant tout.

Mais pour revenir sur le mot « simplifié », nous, on ne l'aime pas beaucoup ce mot puisqu'on parle d'améliorer, d'optimiser, de rendre plus efficace un outil qui sert à transmettre la langue. Si un autre outil, par exemple le Code de la route, provoque un jour des accidents, eh bien on l'adapte. C'est normal.

Là en l'occurrence le code de la langue est tellement foireux, on fait des fautes, donc des accidents en permanence et c'est le code qui provoque ces accidents. C'est comme si vous aviez un feu de signalisation à un carrefour avec 7 couleurs, vert, rouge, bleu, bleu pâle, bleu ciel... et qu'avant de traverser vous deviez faire un examen pour savoir si vous pouvez traverser en toute sécurité.

Donc c'est par rigueur intellectuelle pour le code lui-même qu'il faut l'améliorer et par conséquent le simplifier. Mais la simplification est une conséquence de l'amélioration graphique et non pas une cause.



6. J'aimerais revenir sur les « lettres étymologiques », comment explique-t-on leur présence ou bien leur absence?


Ah, bah, c'est bien simple, on ne l'explique pas. Ça été fait dans le plus absolu bordel, on en a gardé plein du Moyen Âge, on en a rajouté dans les différents dictionnaires académiques successifs. Tout le monde y a été de sa petite explication étymologique, parfois correcte, parfois foireuse.

Par exemple, on met un t à bruit, édit, crédit pour faire bruiter, éditer, créditer, mais on n’en met pas à abri. Les mots ont été pris et fixé indépendamment des uns des autres et il n'y a pas eu de pensée de système global.
Aujourd'hui on a toutes les connaissances susceptibles d'améliorer ce système mais on peut pas le faire parce que les gens pensent que l'orthographe est sacrée. Et donc c'est un peu con.

Je ne parle même pas des pluriels en x qui sont carrément des erreurs de recopiage. On a confondu une abréviation du Moyen Âge avec un x alors que c'était pas un X, c'était un XX , c'est-à-dire un us abrévié par les moines copistes. XX




7. Ferdinand Brunot constate, au début du XXe siècle, 23 graphies pour le son /ɛ̃/ dans notre langue : « le aim de daim, le ain de pain, le aing de parpaing, le aint de saint, le einde rein, le eint de teint, le en de examen, le hym de thym, le in de pin, le inct d’instinct, le ing de coing (...) et le ainc de (il) vainc, le aincs de (je) vaincs, le eim de Reims, le ens de (je) viens, le ent de (il) vient, le hein de l’interjection, le hin de Rhin, le im de simple, le în de vîntes, le ingt de vingt, le ins de (je) vins, le int de (il) vint, le ym de nymphe, le yn de lynx. »

Si Papier Machine vous paie un voyage dans le temps à l'époque où l'on a fixé l'orthographe de notre langue (direction le XVIe siècle donc ?), y aurait-il un moyen d'éviter ces combinaisons de lettres qui donnent le tournis?


Alors au XVIe mais surtout au XVIIe siècle, c'est là qu'on fixe effectivement une norme. Richelieu fonde l'Académie française et dit voilà on va parler d'orthographe, d'orthós, droit correct, graphé, écriture, donc la manière correcte d'écrire. Avant ça, toutes les orthographes cohabitent, il n'y a pas d'orthographe, il n'y a que des graphies.

Mais le problème vient d'avant : ce qui aurait pu régler facilement le problème de la langue française dans sa transcription graphique, c'est qu'à chaque fois qu'apparaissait un nouveau son, puisque beaucoup venaient des langues germaniques notamment le /ɛ̃/ XX , le /ʃ/ XX , le /ã/ XX des sons qui alors n'existaient pas, il aurait suffi à ce moment-là d'inventer une lettre.

Ce que certains moines on fait, hein. Il y a eu des /ɛ̃/ graphiques avec des tildes, a avec tilde (ã) ou i avec tilde (ĩ). Le problème c'est que le moine du monastère d'à côté a mis un in et dans un troisième monastère ein, donc toutes ces graphies ont cohabité sans qu'il y ait de centralisation et c'est ce qui crée le faramineux bordel que représente notre orthographe aujourd'hui.

Si, au Moyen Âge, on avait dit : on va pas s'en tenir aux lettres latines et on va inventer des nouvelles lettres, une quinzaine à peu près je pense, si on avait inventé ces lettres on aurait pu avoir une orthographe transparente.




8. Papier Machine a une devise écrite sur son fronton de papier qui est : «Qui ne dit mot consent». Mais si, comme le dit Jean-Marie Klinkenberg, «quand on risque de fauter on se tait», cela fait de nous des baillonneurs en puissance, non?


Absolument. Klinkenberg, dans son bouquin qui est véritablement fascinant, dit que s'exprimer par écrit est un droit fondamental, et que l'orthographe prive les gens de ce droit fondamental. C'est comme si la faculté de marcher ou de se déplacer était une grande compétition entre ceux qui le font bien et ceux qui le font pas bien.
Alors les gens qui ont des difficultés avec cette orthographe c'est comme s'ils étaient immobilisés ou muselés d'une certaine manière.
Et donc effectivement on empiète sur une liberté fondamentale. Les langues qui possèdent des codes graphiques transparents offrent un accès égalitaire à la langue pour tout le monde. Ça ne veut pas dire que tout le monde écrit bien. Il ne faut pas confondre écrire et graphier.


On peut écrire une phrase formidable remplie de fautes d'orthographe et on peut écrire une phrase abominable, mal construite, stupide ou même syntaxiquement fausse avec une orthographe impeccable.

Il faut vraiment montrer que le code graphique c'est l'accès à la langue, ce n'est pas la maitrise de la langue.

Et une fois qu'on aura tous 100 % de réussite orthographique on pourra évaluer les gens sur des véritables qualités d'écriture ou d'expression.




© Jérôme Piron et Arnaud Hoedt, propos recueillis par Aldwin Raoul, revue Papier Machine, n° 8 1/2 , 2019


Notes

1. La guerre du nénufar fait référence aux polémiques qui ont agité la France et la Belgique au début des années nonantes à propos des réformes orthographique proposées la nouvelle orthographe. Et Brel avait raison, on voit souvent rejaillir le feu d'un volcan qu'on croyait trop vieux puisqu'aujourd'hui la guerre du nénufar, bien que larvée, continue de couver.

2. La Convivialité a été ensuite adaptée en livre par leurs deux auteurs et on vous le recommande chaudement. Jérome Piron & Arnaud Hoedt, La Faute à l'orthgraphe : la convivialité, édition Textuel, 2017.

3. En 2013, dans le Tigre, elle explique divinement bien les errances de la langue française depuis le moyen-âge jusqu'à nos jours, et la présences et les absences capricieuses des lettres étymologiques. Comme un vernis sur les mots, propos recueillis par Christine Lapostolle, Le Tigre, Novembre 2013.

4.  Écrivaine, membre de l'Académie Francaise.

5. Les 7 exceptions que sont bijoux, cailloux, choux, genoux, hiboux, joujoux et poux sont des reliques des pluriels en oX et ont tout betement été oubliés tandis que tous les autres, comme mérous et filous, sont devenus ous. (Pendant ce temps là, discrètement, tripoux essaie de rentrer à son tour dans ce cercle très fermé mais l'Académie fait la sourde oreille.)

6. Le ein de hein

7.  Le ch de chameau

8. Le an de flan


Notes

  1. La guerre du nénufar fait référence aux polémiques qui ont agité la France et la Belgique au début des années nonantes à propos des réformes orthographique proposées la nouvelle orthographe. Et Brel avait raison, on voit souvent rejaillir le feu d'un volcan qu'on croyait trop vieux puisqu'aujourd'hui la guerre du nénufar, bien que larvée, continue de couver.
  2. La Convivialité a été ensuite adaptée en livre par leurs deux auteurs et on vous le recommande chaudement. Jérome Piron & Arnaud Hoedt, La Faute à l'orthgraphe : la convivialité, édition Textuel, 2017.
  3. En 2013, dans le Tigre, elle explique divinement bien les errances de la langue française depuis le moyen-âge jusqu'à nos jours, et la présences et les absences capricieuses des lettres étymologiques. Comme un vernis sur les mots, propos recueillis par Christine Lapostolle, Le Tigre, Novembre 2013.
  4. Écrivaine, membre de l'Académie Francaise.
  5. Les 7 exceptions que sont bijoux, cailloux, choux, genoux, hiboux, joujoux et poux sont des reliques des pluriels en oX et ont tout betement été oubliés tandis que tous les autres, comme mérous et filous, sont devenus ous. (Pendant ce temps là, discrètement, tripoux essaie de rentrer à son tour dans ce cercle très fermé mais l'Académie fait la sourde oreille.)
  6. Le ein de hein
  7. Le ch de chameau
  8. Le an de flan

Metadata

Auteurs
Jérôme Piron
,
Arnaud Hoedt
,
Aldwin Raoul
Sujet
L'orthographe française. Origine, évolution, réformes, actualités.
Genre
Entretien. Grammaire et philologie
Langue
Français
Relation
Revue Papier Machine, n° 8 1/2, 2019
Droits
© Jérôme Piron, Arnaud Hoedt, Aldwin Raoul, revue Papier Machine, n° 8 1/2, 2019