© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

In memoriam Henry Matterne (Sart-Bernard1929 – Namur 2015)

Texte

Je fis la connaissance de Henry le mardi 5 mai 1992, lors d’une formation au wallon, organisée par le Centre d’information du wallon à l’école de la province de Namur (CIWEN).

Avec Roger Viroux, Henry assurait cette formation. Concrètement, nous lûmes des poésies du premier et des extraits du recueil de prose Lès cias do richot XX du second.
Je ne manque pas d’associer au tableau Jean Galer, Molon et Rèlî namurwès, qui nous servait le café et les petits biscuits.
Nous nous revîmes quatre après-midi.

La découverte du wallon sous l’angle « savant », l’ambiance bonhomme qui régnait au local des Rèlîs et la personnalité des deux auteurs-formateurs me décidèrent à m’intéresser de manière permanente au wallon. Mais surtout, comme Henry, j’éprouvais une grande nostalgie de mon enfance villageoise à laquelle le wallon était indissolublement lié.

Je retrouvai Henry un peu plus tard à l’École de wallon, organisée à l’époque par le même CIWEN et lès Rèlîs en soirée. Henry nous faisait étudier des textes en prose. Après la lecture du texte, on parcourait la feuille de vocabulaire, d’explications grammaticales et d’expressions idiomatiques (ratoûrnûres).

Ensuite venaient les exercices : phrases de thème d’imitation et contraction du texte en wallon.
Plus tard encore, lorsqu’avec Joseph Selvais, je donnai cours moi-même, je suivis la méthode éprouvée de Henry, dont l’apport fut décisif, pour moi comme pour d’autres, dans la redécouverte d’un wallon que nous connaissions assez instinctivement, mais sur lequel nous nous interrogions en profondeur pour la première fois.

Henry m’a parrainé chez les Rèlîs et à la SLLW et je lui sais gré pour tout cela.

Originaire de Sart-Bernard (Assesse), Henry fit ses études secondaires à l’Institut Saint-Aubain, à Namur, puis à l’École Normale de Malonne. Il devint instituteur à Saint-Aubain. Il fut bourgmestre de son village de 1958 à 1976.

Comme d’autres auteurs wallons namurois, il est venu au wallon par la lecture de la rubrique Chîjes èt Pasquéyes (veillées et aventures plaisantes) du journal Vers l’Avenir.

Il envoie un jour une poésie qui sera publiée. Ensuite, il sera invité à rejoindre les Rèlîs namurwès. Il devient membre effectif en 1974. Il entre à la Société en 1991, succédant à Lucien Léonard, décédé peu auparavant.

Deux particularités de notre auteur, par ailleurs très prolixe : la propension pour les écrits de mémoire :
Lès mémwêres d’on pwârteû d’ dèpêches XX, lès sovenances d’on-ovrî do tch’min d’ fiêr XX, À l’ fosse à l’ dièle XX (à la mine à terre glaise), Louwis d’èmon l’ Pitchou, istwêre d’on djon.ne rèsistant XX, d’une part, et l’attrait pour les contes de Noël, d’autre part, (un choix de ses contes fut publié). Il s’est illustré aussi par une série à succès, les Zante èt Twènète XX, histoires comiques d’un couple de vieux Namurois. Notre Société publia en 2012 un florilège des textes de Henry sous le titre Djôyes èt Rascrauwes XX (joies et malheurs).
Le choix avait été établi par notre confrère Victor George.

En 1997, ce même Victor George avait déjà cerné mieux que quiconque l’art de notre prosateur namurois, son confrère à Namur et à Liège.
Nous ne pouvons que reproduire son jugement, en guise de conclusion.

« Ce n’est pas à l’école d’Alexandre Bodart, mais à celle du maître Laloux que s’est mis Henry Matterne, de Sart-Bernard. Plus expert et plus adroit en prose qu’en poésie, il a d’abord dit adieu à son enfance dans Lès cias do richot, traduction d’un ouvrage paru au préalable dans une version française, Ceux du ruisseau. Je lui préfère, pour ma part, À l’ bricole èt à l’ vèrdjale XX (au collet et à la glu) treize récits de « braconne » publiés par les Cahiers wallons.
Ici, le talent du conteur s’épanouit pleinement, dans la mesure même où il se fait discret. Entendez que l’auteur s’efface devant quelques êtres qu’il laisse converser, quelques faits narrés avec naturel, sans virtuosité de style, avec une grande sobriété.
S’il n’affleure pas, tant il a su se faire oublier, à moins que ce ne soit à l’insu de l’auteur, l’art existe : dans la conduite du dialogue, dans l’esquisse d’une description ou d’un portrait, dans le sens de la mesure, dans l’unité du ton, dans la surprise finale...
Les Sovenances d’on pwârteû d’ dèpêches et autres récits postérieurs – que l’auteur continue de donner – s’abreuvent, avec le même bonheur, aux mêmes sources : monde rural, facéties villageoises, rudesse tendre qui hésite, çà et là, entre rire et larmes.
Car l’émotion, toujours discrète, assure à la plupart de ces morceaux de vie leur poids d’humanité. »

© Bernard Louis

Notes

  1. Les Cahiers wallons, mars-avril 1985.
  2. Ibid., de 1990 à 1992, puis en un volume s.l.n.d. par le CIWEN.
  3. Ibid., de 1998 à 2001.
  4. Chez l’auteur, 2006.
  5. Les Rèlîs namurwès, Namur, 2012.
  6. Une vingtaine de textes publiés dans les Cahiers wallons à partir de 1993.
  7. Coll. Littérature dialectale d’aujourd’hui.
  8. Les Cahiers wallons, janvier-mars 1990.

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