Ex utero, film de Lili Forestier
Nina Alexandraki
Texte
Si les violences gynécologiques et obstétricales ont longtemps été sous-estimées et objets de tabou, depuis quelques années, dans le sillage de MeToo, le combat contre cette forme de maltraitance s'est organisé et les témoignages et les actions se sont multipliés. Inscrit dans cette lutte, le film Ex Utero, de Lili Forestier, accueille les récits de personnes s'identifiant comme femmes, tout en cherchant dans l'Histoire l'héritage du mépris de l'expérience des patientes par le corps médical officiel composé surtout par des hommes de la classe dominante.
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En prenant comme point de départ sa propre expérience de la maladie de l'endométriose et son périple long et douloureux au sein des institutions médicales, la réalisatrice compose un film polyphonique où, tout en étant singuliers, les différents récits résonnent entre eux. Que ce soit sur le traitement approximatif de l'endométriose, sur le manque d'écoute des traumatismes des patientes ou sur l'usage violent des outils de la gynécologie par le corps médical, c'est le mépris de la douleur des femmes par les médecins qui traverse et réunit les différents récits.
Le film restitue alors cet espace manquant aux patientes où on sent de la part de la réalisatrice une écoute attentive qui permet que la parole soit à la fois spontanée et précise. Le détail des récits racontés crée une solidarité entre les corps en souffrance et nous invite à mettre des mots et des idées sur la douleur physique, à la politiser.
Dans un souci de trouver les origines du manque de considération de l'expérience des femmes par la médecine officielle, la réalisatrice combine les témoignages avec des recherches historiques sur la professionnalisation du corps médical et le contrôle de la santé par des hommes.
Via des images d'archives et une voix off explicative, le film s'intéresse à la suppression de la profession de sage-femme et à la dépossession des femmes de méthodes de guérison empiristes, campagne qui a débuté au 16e siècle dans le contexte de la Chasse aux sorcières, pour arriver jusqu'aux expérimentations gynécologiques dans les camps d'extermination par les médecins nazis.
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En tissant des liens entre les récits et les faits historiques, le film invite à ne plus voir certaines pratiques et habitudes de la gynécologie comme naturelles, mais comme le produit d'une histoire violente envers les femmes. Ainsi, le spéculum, d'abord conçu comme instrument de torture, puis outil gynécologique, perd sa légitimité absolue. En s'interrogeant sur la nécessité de certains usages, le film ouvre la discussion sur l'existence de pratiques alternatives moins douloureuses.
Contre la froideur de la médecine occidentale qui tend à étudier le corps découpé en parties et détaché de l'expérience concrète du sujet, le film crée un espace de revendication qui appelle à une médecine attentive à la singularité de chaque corps et de chaque vécu.
© Nina Alexandraki, revue en ligne Cinergie, Bruxelles, 30.10.2024