© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

Improk ou l’éveil à l’improvisation. Entretien avec Justine Marouzé

Alexia Psarolis

Texte

Sous le soleil de Barcelone, la voix chantante de Justine Marouzé s’enthousiasme. ImproK, le jeu de cartes qu’elle a développé fait des émules. Constatant un manque et un besoin de support physique pour enseigner la danse aux petits, la danseuse et pédagogue a conçu un jeu d’éveil à l’improvisation et s’est associée à l’illustratrice Núria Gomis pour la partie graphique. Le résultat?
Un jeu – vendu à plus de 600 exemplaires – composé de 72 cartes divisées en 6 groupes de couleurs, abordant différents aspects de la danse contemporaine. Des pistes, des idées, des consignes pour explorer les infinies possibilités du corps en mouvement tout en mettant au défi la créativité. Alors, on joue?

 

ImproK... impro quoi?

 

Comment l’idée de ces cartes a-t-elle germé?
«Ce sont les pires élèves qui m’ont inspiré ce jeu!», lance-t-elle en riant. Les premières cartes, représentant les parties du corps humain, se sont étoffées au cours de sa pratique et de sa réflexion pour aboutir à six couleurs différentes correspondant chacune à un thème, à des expressions corporelles, le tout assorti d’un dé. Quelle partie du corps bouger? Comment? Avec qui? En recherche de quelle sensation?

L’association des cartes permet de jouer avec le rythme, l’espace, les qualités de mouvement, le poids, les émotions, durant une minute ou une après-midi.
La consigne? Imaginer!
Pas de règles contraignantes, juste des propositions à adapter en fonction des envies, des besoins, de l’âge, du niveau, des objectifs, des capacités physiques ou de l’espace.

«Les enfants m’ont inspirée et ont suivi tout le processus de l’édition du jeu, explique Justine Marouzé. Je considère qu’ils sont co-créateurs du projet de par leur expérience, leurs propositions auxquelles j’étais ouverte; j’ai gardé́ certaines de leurs idées, celles qui me semblaient bonnes. Je me souviens d’une petite fille qui m’a inspiré́ la carte du courage (dans les cartes roses, celles des émotions) et qui, ensuite, ne voulait plus lâcher cette carte. J’ai demandé aux enfants ce qu’ils pensaient du K pour Impro : K comme cartes, comme kids, ce K, ça ouvre!»
Le nom était tout trouvé.


Tout le monde joue


Dès 3 ans, le jeu sert d’outil à des explorations corporelles; la pédagogue l’utilise aussi avec des adultes dans le cadre de la formation professionnelle.
«Il suffit de se connecter à son enfant intérieur, qu’ont ait 5 ans, 15 ou 35, quand on a les cartes en mains, tout le monde se met à jouer.»

Le jeu au service des enseignants peut aussi s’utiliser dans d’autres contextes tels que la natation synchronisée, la psychomotricité avec des personnes atteintes de handicap…
En cumulant les cartes on augmente le niveau de difficulté et les exercices peuvent devenir complexes.
Justine Marouzé les utilise aussi en composition et dans le cadre scolaire.

Jouer avec des adultes, cela diffère-t-il des enfants ?
«Il existe très peu de différences. Dans le cadre de la formation professionnelle, j’insiste sur le côté technique de l’improvisation et le jeu permet d’aider les professionnels à incarner des idées abstraites; ceux qui ont l’habitude de travailler avec le corps vont un peu plus loin dans l’abstraction, mais tout le monde joue.»


*

 

La transmission, c’est ce qui meut la danseuse au parcours confirmé de pédagogue, également à l’initiative d’une compagnie de danse créée en 2014, Manan Varium, pour enfants et adolescents. À raison de trois heures par semaine, ces jeunes participent à un processus créatif, se vivent en tant que danseurs, comme dans une compagnie professionnelle.

Elle témoigne: «Plus qu’un processus de danse, cela devient un processus de confiance… une transformation belle à voir.»

 

La suite?

 

Le jeu de cartes s’est conçu au fil du temps.
«Je n’étais pas pressée et n’avais au départ pas du tout l’intention de le commercialiser, je l’ai d’abord créé pour moi.
Il est plus facile d’entrer dans la pratique corporelle par le jeu, cela permet de gommer les préjugés existants sur la danse.»

Le prochain projet, en lente gestation, prendra sans doute une forme narrative, un conte par exemple… Pas de hâte, nous sommes prévenus, «cela prendra du temps.»



 

 © Alexia Psarolis, propos recueillis, entretien avec Justine Marouzé, revue Nouvelles de danse n° 84, 3e trimestre 2022




Metadata

Auteurs
Alexia Psarolis
Sujet
Jeu de cartes Improk. Improvisation. Danse. Expression corporelle
Genre
Entretien
Langue
Français
Relation
revue Nouvelles de danse n° 84, 3e trimestre 2022
Droits
 © Alexia Psarolis, propos recueillis, entretien avec Justine Marouzé, revue Nouvelles de danse n° 84, 3e trimestre 2022