La Liberté de bégayer
Geneviève Lamoureux
Texte
Geneviève Lamoureux n’a pas peur des problèmes. Peut-être parce qu’au fond, elle ne voit pas où est le problème. Plutôt si, elle le voit, et il n’est pas là où l’on pense: Geneviève Lamoureux est une personne qui bégaie, et qui voudrait bien qu’on arrête de croire que c’est grave, comme elle l’a elle-même longtemps cru.
Depuis qu’elle sait que ses difficultés viennent du fait que la société s’adapte fort mal à sa singularité, elle prend et donne la parole sur cette question dans le podcast Je je je suis un podcast, accompagne des personnes qui bégaient en tant qu'orthophoniste et mène une thèse sur «Le développement d’interventions, sur les plans culturels et sociaux, pour valoriser la diversité des parlers handicapés».
Depuis le Québec où elle vit, elle a accepté d’écrire aux lecteurices de Papier Machine pour défaire les à priori qui condamnent certaines manières de dire.
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La production de la parole est un acte neuromusculaire, comme l’ensemble des mouvements que nous faisons avec notre corps. Il faut savoir que les mouvements neuromusculaires liés à la parole font partie des demandes motrices les plus fines et complexes.
Par exemple, le simple fait prononcer le mot «papa» demande de coller ses lèvres pour la consonne bilabiale «p», puis de les ouvrir et de faire vibrer ses cordes vocales pour la voyelle «a», et ainsi de suite.
Sans compter qu’avant même qu’un son soit produit, le corps se prépare déjà à réaliser le suivant. C’est un travail de coordination fascinant: l’ensemble des organes et muscles impliqués dans la phonation, la voix et, ultimement, la parole, fonctionne en synchronie, chaque mouvement étant effectué à temps, rapidement, efficacement.
Les personnes avec un bégaiement auraient un système moins performant que la moyenne des gens. Dans leur cas, cette dimension neuromotrice de la parole se réalise et se coordonne avec moins d’efficacité, notamment en raison de subtiles variations cérébrales, elles-mêmes dues à des variations génétiques v. note 1. Cela donne lieu à la parole bégayée, c’est-à-dire, entre autres, à des prolongements (Booooooooonjour) et des répétitions (Bon-bon-bon-bonjour) de phonèmes ou de syllabes, ou encore aux blocages (B----Bonjour). Précisons que la personne qui bégaie sait exactement ce qu’elle souhaite dire. Le bégaiement touche la forme «physique» des mots. Il est variable: le bégaiement est plus ou moins «audible» selon le niveau de fatigue, de stress, d’exigences linguistiques et cognitives d’une situation, etc.
C’est pourquoi, la plupart du temps, on ne bégaie pas si l’on se parle à soi-même: aucune pression n’est mise sur le système de la parole en l’absence d’interlocuteur·ice (pas d’attente, pas de discours linguistiquement complexe). Le bégaiement apparait généralement entre deux et cinq ans (âge où, justement, la parole et le langage se complexifient). Il peut être transitoire, c’est-à-dire que l’enfant peut cesser de bégayer avec ou sans intervention, ou persistant, et ce pour diverses raisons. D’ailleurs, contrairement aux idées reçues, avoir suivi une thérapie orthophonique enfant ne garantit pas une parole fluide tout au long de la vie.
Une chercheure et amie, Simone Falk, professeure en neurolinguistique à l’Université de Montréal, dit souvent que le bégaiement nous en apprend énormément sur la façon dont la parole se développe. Je suis bien évidemment d’accord, et je crois même que le bégaiement nous en apprend énormément sur la façon dont nous concevons la parole, la façon dont nous définissons – inconsciemment et quasi automatiquement – ce qu’est une «belle» parole, une parole «valide», «acceptable», «convenable» et ce qui, au contraire, ne l’est pas. À l’instar d’autres caractéristiques physiques et corporelles comme le poids, la parole est soumise à des préjugés et à des attitudes discriminantes, en d’autres mots, à de l’oppression.
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Pour illustrer cela, je vais partir de mon expérience, en tant qu’orthophoniste (ou «logopède», terme employé en Belgique notamment), chercheure en orthophonie et personne qui bégaie.
J’aimerais souligner que nombre de formes de parole, de langage et de communication comme l’aphasie, l’autisme, le trouble du langage et le syndrome Gilles de la Tourette (aussi concernées par l’orthophonie), font l’objet d’une même oppression.
Ces formes de neurodivergence exposent les normes implicites et intériorisées qui régissent nos échanges et, avec elles, nos croyances profondes sur ce qui constitue un «dire» digne d’être entendu, représenté et vivant.
Lorsque l’on a un bégaiement, on a tendance à bégayer davantage quand il s’agit de se présenter soi-même, car l’acte de se nommer survient généralement dans des situations très normées, qui mettent une grande pression sur le système de parole.
En effet, nous partageons collectivement un «script» pour ce type d’interaction – on tend la main, on dit son nom et on s’attend à ce que l’autre se présente tout aussi rapidement. Ces attentes sont en fait très restrictives: si l’une des personnes prend un tout petit peu plus de temps que ce qui est attendu, ou si l’on semble «hésiter» (ce qui n’est pas le cas; rappelons-nous que la personne qui bégaie sait exactement ce qu’elle souhaite dire, surtout lorsqu’il s’agit de son nom), l’interlocuteur·rice cherchera à s’expliquer ce qui se passe.
Dans bien des cas, cet étonnement donne lieu à un rire nerveux accompagné d’un «As-tu oublié ton nom?».
Récemment d’ailleurs, j’y ai été exposée. Dans un évènement tenu par la Faculté de médecine d’une université réputée (un symposium portant sur la collaboration intermilieux pour diminuer la stigmatisation!), je me suis présentée à la table d’inscription pour récupérer ma cocarde:
- Bonjour, Ggggg — gggggg — gggggggggeeeeeneviève… L—llllllll-aaaa… m-m-m-m-moureux.
Mon interlocuteur a éclaté de rire, jusqu’à s’en taper les cuisses.
Comme j’ai vécu cette situation des dizaines et dizaines de fois, j’ai développé diverses stratégies pour y faire face. J’ai alors utilisé mon arme préférée: me rappeler que ma parole est digne, que la réaction de mon interlocuteur est provoquée par des normes culturelles dont il est probablement inconscient. Mais bien que tout ceci ne soit pas sa faute, je n’ai pas envie d’encore une fois rassurer la personne dont la réaction m’oppresse.
Je l’ai regardé en tentant d’adopter le ton le plus neutre et doux possible; il ne mérite pas ma colère, mais j’ai le droit d’agir dignement et de respecter le fait que je n’entends pas à rire:
- J-j-j-j’ai un bégaiement. C’est pour ça.
- Oh, je suis désolé, je croyais que vous me faisiez une blague, me répondit-il un peu piteux.
- C’est pas grave. Où sont les vvvvvvvestiaires?
Dans cette situation, le bégaiement cause de la surprise. Cette personne n’a probablement jamais ou rarement entendu une parole bégayée, et n’a pas su reconnaitre le bégaiement.
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La stigmatisation du bégaiement
En fait, ce rire correspond à l’image du bégaiement véhiculée par les médias, la télévision et le cinéma, soit une parole stéréotypée (le plus souvent, une comique répétition de sons) incarnée par un personnage cliché.
Comme Olivier Humez – vice-président et trésorier de l’Association Parole Bégaiement (APB, France et Belgique), qui est aussi une personne qui bégaie – l’a magnifiquement illustré dans sa récente présentation au colloque international de l’APB, le bégaiement est très souvent représenté dans les productions culturelles comme découlant de facteurs psychologiques tels qu’une grande nervosité ou une gêne, un important manque de confiance en soi, voire la conséquence d’un traumatisme d’enfance. Il est alors associé à un effet comique et appelle au ridicule ou, pire encore, s’inscrit dans le portrait d’une personne troublée et solitaire, voire d’un psychopathe ou d’un tueur en série.
Une légion d’études 2 décrivent également comment, au quotidien, les personnes qui bégaient font face à de la stigmatisation, allant de l’intimidation à des discriminations de toutes sortes, tant professionnelles que sociales, ce qui a un impact dans de nombreuses sphères de la vie, notamment la participation sociale, les choix de vie et l’accès aux soins.
En effet, les mécanismes de stigmatisation tendent à être intégrés par les personnes qu’ils visent. Or dans nos cultures, le bégaiement est invariablement associé à quelque chose de négatif. La personne qui bégaie peut donc en venir à développer un ensemble de stratégies de masquage, et vivre dans l’anxiété constante d’être démasquée, ce qui peut engendrer un grand stress, voire de la détresse 3.
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Le «problème» de la thérapie médicale
Les thérapies orthophoniques peuvent, elles aussi, être stigmatisantes. En effet, parce qu’il est traditionnellement considéré comme un «trouble» de la parole, le bégaiement est «pris en charge» par l’orthophoniste. D’ailleurs, il est intéressant de se pencher sur l’étymologie de ce terme: «ortho» signifie «rendre droit» et «phonie» renvoie à la phonation, donc par un raccourci, à la parole. «Rendre la parole droite», autrement dit, la corriger, voilà le fondement même de la profession.
L’orthophonie, à la fois la formation et la profession, appartient au domaine du médical. Or son inscription dans ce modèle médical fait de la personne qui consulte en orthophonie une «patiente» qui a un «problème»: elle n’est pas en mesure de parler de façon fluide 100 % du temps.
Dans une culture associant la fluidité de la parole à l’éloquence, le bégaiement est alors une «perte», une caractéristique négative.
Ainsi, la personne qui bégaie est vue comme une personne qui souffre, qui est moins sure d’elle, moins compétente. Elle vient consulter l’orthophoniste pour se débarrasser de ce «problème».
D’ailleurs, dans le modèle médical, la responsabilité du «problème» est individuelle: c’est au «patient» de s’investir dans une thérapie et de mettre les efforts pour s’approcher le plus possible de la parole fluide.
Dans ce cadre, l’orthophoniste est le ou la professionnel·le qui enseigne la solution, qui enseigne des «techniques/stratégies de fluidité». Celles-ci demandent un effort cognitif important à la personne qui bégaie et, souvent, un grand sacrifice: celui de la spontanéité et du plaisir dans la parole 4 .
Mais dans cette optique, ce sacrifice est considéré moins pire que de bégayer.
Le modèle médical est lié au phénomène du capacitisme 5, une forme de discrimination liée au handicap. La culture occidentale nous pousse à croire que l’idéal est de n’avoir aucune incapacité, (que celle-ci concerne la parole ou tout autre aspect humain). C’est le même mécanisme que pour les personnes qui bégaient: les personnes handicapées auraient quelque chose «en moins», leur existence serait une tragédie. Dans ce contexte, on comprend que certains parents, lorsqu’un·e orthophoniste confirme le diagnostic de bégaiement, accueillent la nouvelle avec angoisse. Or, dans certaines cultures – je pense notamment à des cultures autochtones au Canada, où l’on dit que «les personnes en situation de handicap sont un cadeau du Créateur» 6 –, le handicap peut être considéré comme quelque chose faisant simplement partie des possibilités d’être un·e humain·e.
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La voie du modèle social
Par opposition au modèle médical, le modèle social – qui, bien qu’il soit de plus en plus connu et étudié, est beaucoup moins utilisé en pratique que le modèle médical – appelle à concevoir l’incapacité comme un état neutre, voire positif, et les personnes sont «handicapées» non pas en raison de leur état intrinsèque, mais à cause d’obstacles structurels et sociaux.
L’exemple typique de ce concept est le cas d’une personne en fauteuil roulant devant des marches: elle présente une incapacité (celle de ne pouvoir utiliser ses jambes pour se déplacer), mais n’est pas handicapée si elle a accès à une rampe pour entrer dans un bâtiment.
Dans ce cadre, c’est l’ensemble de la société qui est responsable d’accueillir les gens qui la composent. Pour les gens qui bégaient, une meilleure accessibilité se traduirait non pas par des rampes ou autre aménagement du mobilier, mais par une société moins pressée, plus accueillante de la diversité des formes de parole, plus sensibilisée au bégaiement; une société qui ne soit pas seulement tolérante mais verrait dans le bégaiement une richesse.
Dès lors, la thérapie ne serait pas automatiquement recommandée. On pourrait même imaginer que ce n’est pas la personne qui bégaie qui suivrait une thérapie, mais ses proches ou ses enseignant·es. La société dans son ensemble pourrait être «traitée» pour mieux accueillir le bégaiement.
Dans la communauté bègue – à l’instar des communautés sourde et autiste – des voix s’élèvent pour souligner que le bégaiement est une forme de richesse.
Emma Alpern, écrivaine états-unienne et personne qui bégaie, écrit dans Stammering Pride and Prejudice. Difference not Defect que le bégaiement apporte quelque chose d’excitant dans la parole.
Par exemple, elle trouve enivrant de commander un «b-b-b-bblue mmmoon» en regardant le barman droit dans les yeux. Selon elle, le bégaiement appelle à la désobéissance et à la curiosité.
Christopher Constantino, orthophoniste et professeur-chercheur qui bégaie, soutient que le bégaiement nous invite à exposer notre vulnérabilité et encourage les autres à faire de même, ce qui renforce notre tissu de connexion sociale.
Joshua St-Pierre, philosophe et personne qui bégaie, argue que c’est un pied de nez au capitalisme, qui nous aliène à coups d’exigences d’efficacité. Le bégaiement nous appelle à vivre une vie plus en accord avec nos limites humaines et à les embrasser.
L’auteur britannique et qui bégaie lui aussi Jonty Claypole, dans son livre Words Fail Us. In Defence of Dysfluency, rapporte que le bégaiement connecte bon nombre d’artistes à leur intériorité, nourrit leur créativité et constitue un matériau leur permettant d’explorer les dessous du langage. Ainsi, les personnes présentant des formes de parole inhabituelles pourraient, en fait, avoir un «plus» que les autres n’ont pas.
On a vu comment ce qui n’est qu’une condition neurodivergente et héréditaire devient, à travers certains prismes, un problème. Mais lorsqu’on se penche sur les phénomènes et structures qui entretiennent cette conception, on peut les nommer, les mettre en saillance, les étudier et, ultimement, les déconstruire. Comme Zahari Richter l’écrit dans Stammering Pride and Prejudice, le bégaiement peut être considéré comme une anomalie et un problème «seulement si faire patienter les gens de deux à dix minutes à l’occasion constitue une urgence pathologique».
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Et si c’était l’orthophonie qui devait changer?
Lorsque l’on accompagne une personne dans une thérapie, en l’occurrence en tant qu’orthophoniste, ce qui importe le plus est de l’amener à réfléchir à ce qui est important pour elle, à ce qu’elle souhaite faire dans l’intervention et ce qu’elle espère en tirer.
Plusieurs approches psychothérapeutiques peuvent contribuer à coconstruire les objectifs de la thérapie orthophonique. Notamment, l’Approche centrée sur les solutions (ou Solution-Focused Brief Therapy, SFBT) et la Thérapie d’acceptation et d’engagement (Acceptance and Commitment Therapy, ACT).
La première invite la personne à définir ses objectifs thérapeutiques en ses propres mots, grâce à la question miracle «Que se passerait-il si votre “problème” disparaissait?», et à construire sur ce qu’elle a déjà mis en place dans sa vie qui favorise son bien-être communicationnel.
La Thérapie d’acceptation et d’engagement, quant à elle, se penche sur les «valeurs profondes» de la personne, et les utilise pour fonder petites et grandes décisions sur celles-ci plutôt que sur la peur de bégayer.
Évidemment, la personne qui bégaie naviguant dans une société capacitiste qui véhicule une conception très négative du bégaiement, souhaite, la plupart du temps, que la thérapie lui permette de ne plus bégayer. Or pour favoriser une prise de décision clinique éclairée, toute personne doit avoir accès à la connaissance. Dans ce cas-ci, à la connaissance des mécanismes de stigmatisation (et, dans bien des cas, d’auto-stigmatisation).
Des orthophonistes ancrées dans le modèle social (comme Sam Simpson, Rachel Everard et Carolyn Cheasman, toutes trois en Angleterre, et les deux dernières ayant un bégaiement) rapportent en effet que la connaissance des mécanismes de stigmatisation est un exercice «empouvoirant» pour bon nombre de personnes qui bégaient. Moi-même, lorsque j’ai découvert les études de ces mécanismes en lien avec le bégaiement, j’ai trouvé cela extrêmement libérateur. À tel point que j’ai décidé de devenir orthophoniste.
Il n’est pas question de soutenir que la fluidité serait mauvaise en soi, non désirable, mais plutôt de reconnaitre que l’orthophonie a un parti pris pour la fluidité. Si on conçoit le modèle médical et le modèle social comme deux extrêmes d’un continuum, on pourrait dire que l’orthophonie se trouve en position de déséquilibre, trop ancrée dans le modèle médical.
Je considère qu’il est injuste – à la fois d’un point de vue personnel, du point de vue de l’approche centrée sur la personne et de celui de la pratique fondée sur les données probantes (EBP) – de démarrer un traitement pour augmenter la fluidité sans même proposer d’autres avenues ou avoir exploré les besoins de la personne au préalable. Si les orthophonistes elleux-mêmes perçoivent le bégaiement uniquement comme un problème devant être réglé, l’intervention orthophonique peut – même involontairement – renforcer l’oppression sociale associée à la fluidité.
Parmi d’autres approches possibles, nommons la Thérapie de réduction de l’évitement du bégaiement (TREB, ou ARTS en anglais, pour Avoidance-Reduction Based Therapy), développée par l’orthophoniste Vivian Sisskin aux États-Unis. C’est l’une des seules qui intègre la notion de stigmatisation, en amenant la personne qui bégaie à distinguer le bégaiement lui-même (condition neurobiologique et génétique) des comportements développés en réaction à cette stigmatisation, comme l’évitement de certains mots ou situations, et le fait de «lutter» contre le bégaiement (par exemple en «poussant» les mots avec une grande tension). La TREB amène la personne qui bégaie à apprivoiser sa propre parole pour bégayer plus ouvertement, sereinement et librement.
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Pour terminer, comme le soulignent certaines approches orthophoniques pour les personnes vivant avec une aphasie (une difficulté à accéder aux mots, à formuler des phrases et à utiliser le langage à la suite d’un accident vasculaire cérébral), la responsabilité communicationnelle se joue à deux. La personne qui parle comme celle qui écoute a un rôle à jouer pour construire un échange humain, respectueux et accueillant de l’autre.
Prenons un temps pour réfléchir à nos propres biais: si j’entends une personne bégayer, si j’ai l’impression qu’elle cherche ses mots, s’il y a quelque chose d’inhabituel dans la parole de l’autre, quelles pensées me viennent? Sont-elles capacitistes? La première étape pour déconstruire ses propres préjugés, c’est d’abord d’en être conscient·e.
Lorsqu’on sort des sentiers battus et qu’on se débarrasse de nos œillères capacitistes, on peut voir le bégaiement de multiples façons. Comme le dit David Mitchell, personne qui bégaie, le bégaiement peut autant être «une pathologie, une excentricité à célébrer, une malédiction ou une bénédiction». Peu importe où on se situe, je crois fondamentalement que la parole de tout être humain, quelle que soit sa forme, appelle au respect et à la dignité.
© Geneviève Lamoureux, revue Papier Machine, hors-série n° 13 ¼ vol. 1, 1er semestre 2023, Bruxelles, Belgique
Notes
1. À ce sujet, voir notamment les recherches de de Pascal van Lieshout (Université de Toronto), de Soo-Eun Chang (Université du Michigan), de Shelly Jo Kraft (Wayne State University) et du généticien Dennis Drayna (maintenant à la retraite)
2. Voir, entre autres, les recherches de Kenneth O. St. Louis, Ph. D. et Michael Boyle, Ph. D, tous deux orthophonistes et professeurs-chercheurs qui bégaient
3. À ce sujet, voir notamment les travaux de Hope Gerlach, Ph. D., à l’Université de Western Michiga
4. Comme l’explique magnifiquement Christopher Constantino (Université d’État de Floride), aussi orthophoniste et professeur-chercheur qui bégaie
5. Simplement défini, le capacitisme est un ensemble de croyances qui érige en idéal le corps humain « sans incapacité », aussi dit « valide », et hiérarchise les corps : ceux qui ne présentent aucune incapacité (pas de bégaiement, pas besoin de fauteuil roulant, voire les corps minces, etc.) sont considérés « meilleurs » que les autres. Le terme « validisme », plutôt utilisé en Europe, renvoie au même concept
6. Cité dans le Plan sur l’accessibilité du Services aux Autochtones Canada (SAC) du Gouvernement du Canada.