Jean-Claude Pirotte l'enchanteur
Frédéric Chef
Texte
Il y a plus d’un an, déjà, que Jean-Claude Pirotte est décédé. Vous noterez que je ne vous fait pas croire qu’il est « parti », encore moins qu’il « nous a quittés ».
Depuis ce temps, je me suis efforcé de réunir les hommages que son fidèle compagnonnage a suscités chez ses nombreux amis. Ils ne se sont pas forcés, d’ailleurs, pour évoquer ce qu’ils devaient à l’homme pétri de générosité et à l’œuvre qu’il a patiemment tissée.
Il était impossible de garnir le bouquet de témoignages au-delà du raisonnable, aussi voudrez-vous bien excuser cette livraison de Traversées d’être une tablée de banquet privée de quelques convives.
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Jean-Claude Pirotte laisse une œuvre importante : une cinquantaine de titres qui sont autant de certificats de son passage parmi nous que de clés pour ouvrir les portes de ce monde. Tous ceux qui l’ont fréquenté savent qu’il n’avait pas son pareil pour, sinon ralentir le cours du temps, en distraire quelques heures – les plus précieuses – afin d’enchanter notre quotidien. « Pas tout de suite », avait-il l’habitude de dire – Jean-Paul Chabrier nous le rappelle –, quand il s’agissait de retomber dans la banalité des séparations prématurées et la grisaille du quotidien.
Jean-Claude enchantait la vie ; la vie depuis toujours c’était la chose étroite / que tu tâchais d’agrandir encore et encore, témoigne Bertrand Degott, qui mettait au clair, dans l’amitié des poètes, les manuscrits de Jean-Claude.
Notre vie, rendue étroite par les limites de l’ordinaire, Jean-Claude l’élargissait, lui donnant les reliefs de l’imprévu et le merveilleux qu’on trouve dans le pli des pages d’André Dhôtel.
L’amitié. Voilà le souvenir qui me vient quand je pense à Jean-Claude. Il disait, souvenez-vous : « Je n’écris pas pour quelqu’un, j’écris à quelqu’un. »
Si la nuance paraît minime, l’expression avait du sens pour lui. Jean-Claude Pirotte n’a eu de cesse, tout au long de sa vie, de partager avec ses lecteurs, qui étaient autant de correspondants, ses lectures et ses passions littéraires. Nous sommes quelques-uns – nombreux mêmes – qui attendions ses encouragements et ses critiques dans le périlleux exercice de l’écriture.
Nous voilà bien seuls.
Heureusement, il nous reste « nos Pirotte » – selon le mot de Claude Andrzejewski, son fidèle « secrétaire » –, alignés dans la bibliothèque du cœur et de l’esprit.
Les enchanteurs sont rares. Ils bouleversent le cours de l’existence. Michel Bernard l’a écrit : « L’éternité existe, Jean-Claude en avait désigné la place ». Merci à toi, Jean-Claude.
© Frédéric Chef, mars 2015 – Tous droits réservés