© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

A quand un monument à la mémoire de Jean Meslier ?

Serge Deruette

Texte

Tous les grands personnages ont leur statuaire et leur toponymie. C’est là le reflet de leur célébrité, accessoirement ce qui contribue à leur célébrité. Aussi ne s’étonnera-t-on pas que Jean Meslier, le curé Meslier (1664-1729) n’ait pas cet honneur. La célébrité n’est pas ce qui le caractérise.
Connu bien moins au XVIIIe siècle par la diffusion clandestine du manuscrit complet de son Mémoire que par l’Extrait des sentiments de Jean Meslier qu’en publia Voltaire que l’on retient sous le nom de «son» Testament, et dans lequel il transformait en déiste « apolitique » cet intrépide penseur à la fois matérialiste athée et révolutionnaire communiste, Meslier, dans le siècle où il s’est éteint, a joui d’une notoriété aussi ambigüe et déformée que limitée.

Au XIXe siècle ensuite, où des penseurs comme Engels et Marx qu’il aurait enthousiasmés semblent en ignorer tout, il est quasi inconnu. Il le serait totalement s’il n’y avait eu en 1864 la publication d’une version non-autographe de son Mémoire par Rudolf Charles, un libre-penseur hollandais, publication qui, faut-il croire, n’eut aucun retentissement à sa sortie (à peine deux ou trois centaines d’exemplaires en ont été écoulés) XXX.

(page 65 de la version papier) C’est seulement au siècle passé que Meslier retrouve une certaine notoriété, confinée en des lieux et temps divers. D’abord en Russie soviétique où, sans avoir pourtant attiré l’attention de Lénine, l’historien russe Volguine, dès avant la révolution d’Octobre, alors qu’il était encore menchévique XXX, avait rédigé en 1908 une étude sur Meslier (elle sera publiée en 1919), le caractérisant comme un communiste révolutionnaire du XVIIIe siècle. Une traduction en russe du Mémoire, mais abrégée, en deux volumes, en sera publiée par Abram Déborine en 1925 déjà et le sera ensuite dans sa version intégrale en 1937 (toutes deux à partir du texte non-autographe édité en 1864 par Rudolf Charles) XXX.

Du public français et francophone, Meslier restera encore largement méconnu pendant tout un siècle : jusqu’en 1965, année où Maurice Dommanget publia l’étude qu’il lui a consacré dans son ouvrage, imposant et remarquable en bien des points, quoique non sans quelques erreurs – mais quelle importance au regard de ce que représentait cette première entreprise visant à faire renaître, sinon naître, le nom et l’œuvre de Meslier !
Cinq ans plus tard, en 1970, 1971 et 1972, paraissait enfin la belle et méticuleuse publication critique en trois volumes des Œuvres de Jean Meslier, très documentée et dont on regrettera seulement qu’un de ses trois préfaciers, le philosophe Jean Deprun, ait erronément et fort mal à propos situé ce penseur matérialiste et athée dans la filiation directe du cartésianisme, ce que, sauf à importer dans son texte quelques rares éléments et formulations, Meslier n’est (66) absolument pas XXX. La connaissance de Meslier reste cependant encore alors confinée à un public restreint XXX.

Toujours est-il qu’il a fallu attendre le début du XXIe siècle, près de trois siècles après sa mort donc, pour que Meslier gagne en notoriété et suscite un accroissement sensible d’intérêt dans le public francophone comme dans le monde de la recherche. En témoignent la réédition de son Mémoire en 2007 aux éditions Coda ; parallèlement, la même année, celle des éditions Talus d’Approche qui ont, elles, étonnamment opté pour la republication de la version non-autographe de Rudolf Charles ; le livre que je lui ai consacré et qui, après trois mille exemplaires écoulés, en est à son troisième tirage en 2015 ; la réédition de l’ouvrage de Maurice Dommanget ; l’ouvrage populaire et abondamment illustré de la Société d’Études ardennaises (actuellement Société d’Histoire des Ardennes) ; celui, romancé, de Thierry Guillabert ; le recueil d’extraits choisis de Noël Rixhon et, dans le registre de la recherche érudite, la publication, en 2012, de l’imposant livre de Miguel Benítez, Les Yeux de la raison.

À noter également que Michel Onfray, en consacrant un chapitre de sa Contre-Histoire de la philosophie, quoiqu’assez souvent largement fantaisiste, a pour sa part aussi contribué à faire connaître Meslier par un plus large public XXX.

(67)
MESLIER DANS LA TOPONYMIE

Parce qu’il a été récemment, trop récemment (re)découvert, parce que trop peu célèbre encore, Jean Meslier ne figure, si ce n’est dans la région où il a vécu et depuis moins d’un demi-siècle seulement, dans le nom d’aucune rue ou lieu public de France ni, à ma connaissance, d’autres pays dans le monde. En 1965, Maurice Dommanget regrettait encore à son propos que « les Ardennes ne paraissent point avoir fait de cas de leur gloire locale » XXX. Les choses ont changé aujourd’hui, quoique fort peu, comme le montrent, localement, les quelques noms de rues et de lieux portant le nom de Meslier que l’on trouve aujourd’hui.

- À Nouvion-sur-Meuse

La première « rue Jean Meslier » à avoir vu le jour se trouve à Nouvion-sur-Meuse, une commune qui se situe à quelques kilomètres d’Étrépigny. Elle (68) a été inaugurée en 1975 XXX, l’année qui suit celle où s’est tenu le colloque de Reims consacré à Meslier, sans doute en raison de son retentissement dans la région. L’existence dans ce village d’une majorité communale longtemps restée communiste jusqu’à son renversement en 1989 explique largement qu’il en soit ainsi.

Il est à noter qu’en 1994, il a été aussi question que le collège de Nouvion-sur-Meuse porte le nom de Jean Meslier. Pour des raisons qui semblent bien avoir quelque rapport avec des enjeux politiques, il n’en a malheureusement rien été XXX. Ce collège initialement sans nom, dont le bâtiment avait été construit non sans difficultés en 1984 sous l’égide d’une majorité municipale communiste (le Conseil départemental, politiquement de l’autre bord, rechignant sur la question des subventions), a fait l’objet en 1994 d’une demande de l’administration pour qu’on lui en attribue un.

Jacques Habran, le maire socialiste élu sur une liste « Divers gauche » qui l’avait emporté aux élections municipales de 1989, rejetant dans l’opposition les communistes, également professeur au collège, avait alors organisé une concertation pour lui attribuer une dénomination. La proposition du nom de Jean Meslier, faite par la commune avec l’accord des parents d’élèves au conseil d’établissement et le soutien de professeurs du collège (dont quatre étaient d’Étrépigny), avait obtenu une très large majorité, sans que ne s’élève aucune contestation. Jacques Sourdille, le président du Conseil départemen¬tal qui a la gestion des collèges en charge, par ailleurs sénateur du Rassem¬blement pour la République et fort influent dans les Ardennes, qui n’y était pas favorable, avait cependant laissé la décision à l’appréciation locale.

Toujours est-il que, serait-ce parce qu’il a été soumis à des pressions ou par crainte de conséquences fâcheuses, Jean-Marie Beauchot, le directeur de l’établissement à l’époque, demanda à ce qu’un autre nom soit choisi. N’ayant pas reçu d’autres propositions, il opta pour la dénomination politiquement moins connotée de « collège du Val de Meuse », certainement plus consensuelle, mais sans grande pertinence puisque, dans le département des Ardennes, la vallée de la Meuse débute de Nouzonville à la frontière belge, bien en aval de Nouvion et même de Charleville-Mézières.

(69) - À Châlons-en-Champagne

Dans le département voisin de la Marne, à Châlons-en-Champagne, on trouve également une « rue du Curé Meslier ». Le Conseil municipal de la ville en a décidé ainsi dans sa délibération sur la « dénomination de voies » dans la zone d’aménagement concerté du Mont-Héry, en sa séance du 7 décembre 1989 XXX. L’initiative en revient à Jean Reyssier, qui en a été le maire communiste de 1977 à 1995 et qui, en mars 1989, venait d’être réélu.

Il n’est cependant pas possible de savoir si Meslier était ainsi honoré comme l’athée communiste et révolutionnaire qu’il avait été, tel que l’avait présenté Dommanget dans son livre et que le révélait la publication de ses Œuvres, ou si c’était, comme c’est encore malheureusement trop souvent le cas aujourd’hui, en tant que penseur seulement anti-chrétien déiste tel que Voltaire l’avait présenté faussement dans l’Extrait qu’il avait publié.

Le fait est que le bureau municipal, qui avait argumenté sa proposition dans le sens de retenir pour l’essentiel des noms évoquant la Révolution française de 1789, afin d’assurer une continuité avec la première tranche [de l’aménagement de la ZAC] et de perpétuer le souvenir de régionaux qui se sont illustrés pendant cette période, avait – était-ce opportunément, pour la raison qu’il évoquait ? – présenté non sans erreurs Jean Meslier en ces termes :
Prêtre champenois, célèbre par son ouvrage « le Testament de Jean Meslier », publié par Voltaire. La Convention vit en lui un des précurseurs de la révolution française XXX.

- À Charleville-Mézières
À nouveau dans le département des Ardennes, à Charleville-Mézières, on relève une autre « rue du Curé Meslier », dénomination attribuée à une des voies publiques d’un lotissement nouveau du quartier d’Étion. Ce le fut dans les années 1980, sous le mandat du maire socialiste Roger Mas. Fondé sur la proposition du groupe communiste qui souhaitait honorer des personnalités progressistes ardennaises parmi lesquelles figurait Jean Meslier, le nom de la rue a, sans qu’il y ait eu d’oppositions, fait l’objet d’un accord entre les différents groupes de gauche composant alors la majorité du Conseil municipal XXX.

(70) - À Étrépigny et à Balaives

Meslier est aussi honoré dans son village d’Étrépigny depuis l’ex¬trême fin du siècle passé. Le Conseil municipal, lors de sa délibération du 6 décembre 2000, a en effet « baptisé » de son prénom et de son nom la place du village bordant la mairie XXX, cette placette triangulaire couverte de marronniers déjà anciens et qui, pour cette raison, portait auparavant le nom de ces arbres. On doit au maire de l’époque, Jean-Marie Migeot, en fonction jusqu’en 2014, cette initiative qui fait à la fois honneur au grand penseur local et au village lui-même qui fut sa paroisse.

On doit aussi à cet ancien maire, en partenariat avec son confrère du village voisin de Balaives-et-Butz, l’autre paroisse que Meslier desservait, d’avoir encore baptisé du nom de « chemin du curé Meslier » le sentier, long de quelque deux kilomètres, qui relie depuis des siècles les deux villages. Ce n’est qu’un chemin de terre, mais il revêt en ce qui concerne le souvenir de Meslier un intérêt non quelconque. Ce chemin en voie directe d’Étrépigny à Balaives n’a, à la différence de la route qui en allonge le parcours par l’ouest, jamais été macadamisé. Jamais non plus pavé, le sentier correspond encore exactement, pour la plus grande partie de son tracé, à celui qu’em¬pruntait Meslier (et ses confrères avant et après lui aussi) pour se rendre de sa cure à la deuxième paroisse qu’il desservait et en revenir.

L’inauguration de ce chemin du Curé Meslier par les deux maires, Jean-Marc Migeot et son confrère Jean-Louis Milard qui en avait eu le premier l’idée, a eu lieu le samedi 24 avril 2010, à l’occasion de la journée « Sur les pas du curé Meslier » dont l’objectif était, en honorant ce penseur dans son village-même, de publiquement mettre en évidence qui il fut et l’importance historique de sa pensée. On ne remerciera donc jamais assez les organisateurs d’avoir su donner à l’événement l’envergure qui lui seyait XXX. C’est toute une équipe locale particulièrement motivée, dynamique et efficace qu’avait pour la cause réunie le maire d’Étrépigny. Elle rassemblait Yvon Ancelin, Christian Chemin (président de la Communauté de Communes), Stéphane Dominé, Christiane Édet, Christian François (adjoint au maire d’Étrépigny), Karine Fuselier, Jean-Louis Milard, (le maire de Balaives), Anne-Marie Moreau, Bénédicte Vanham (de l’Office de Tourisme local) et Philippe Vincent.

(71) MESLIER DANS LE PATRIMOINE MONUMENTAL

Comme on ne sait pas à quoi ressemblait Meslier, une statue ou un buste, à moins d’être fantaisiste ou imaginaire XXX, est impossible à réaliser.

- À la faveur de la Révolution française
Dans la période de la Révolution, l’idée en avait pourtant été évoquée par le conventionnel Anarcharsis Cloots. Dans la foulée du mouvement déchristianisateur, il avait proposé à la tribune de la Convention, le 27 brumaire de l’an II (17 novembre 1793) d’ériger une statue à la gloire de Meslier que l’on placerait dans le Temple de la Raison. Il l’avait fait en ces termes, non sans emphase :
Il est donc reconnu que les adversaires de la religion ont bien mérité du genre humain ; c’est à ce titre que je demande pour le premier ecclésiastique abjureur, une statue dans le temple de la Raison. Il suffira de le nommer pour obtenir un décret favorable de la Convention nationale : c’est l’intrépide, le généreux, l’exemplaire Jean Meslier, curé d’Étrépigny en Champagne.
Le village est ardennais, non champenois, et Meslier est resté curé toute sa vie, sans jamais avoir abjuré publiquement quoi que ce soit. Mais cela, qui indique avec combien d’approximation la personnalité de Meslier était connue au XVIIIe siècle, n’empêche pas Cloots de surfaire avec verve et ferveur que son Testament philosophique porta la désolation dans la Sorbonne, et parmi toutes les factions christicoles XXX,
pour conclure : 
 La mémoire de cet honnête homme, flétrie sous l’ancien régime, doit être réhabilitée dans le régime de la nature XXX.
Cloots se trompe donc (ou trompe ?) à propos de Meslier : à la différence des prêtres abdicataires de la Révolution, il ne s’était pas défroqué, lui (73) qui, ainsi que l’écrivait fort judicieusement Roland Desné, « pouvait penser qu’à la place qu’il occupait, il serait mieux qu’ailleurs utile à ses semblables », et n’était donc « pas demeuré prêtre malgré ses idées, mais à cause d’elles » XXX pour rédiger sans risques pour sa vie et en toute quiétude son Mémoire, pour lui donner toute la force et la radicalité qu’aucun texte diffusé de son vivant n’aurait permis. Toutefois, à la décharge de l’exagération d’Anarcharsis Cloots, on peut dire que l’œuvre posthume de Meslier s’inscrivait à titre puissant, ne serait-ce que symboliquement et avec une force exemplative sans pareille, dans l’objectif des déchristianisateurs.

Il n’en reste pas moins que la proposition de Cloots n’a pas abouti. Le Comité d’Instruction publique, à qui la Convention en avait confié la discussion, n’en donnera pas suite et n’abordera pas la question. La raison en réside plus que probablement dans le fait que, comme l’on sait, la déchristianisation n’a pas été uniforme ni continue. Elle a été marquée par des reflux. La fin de l’année 1793 en était un d’importance. Ainsi, peu avant la proposition de Cloots, Robespierre, aux Jacobins « mettait en garde contre les abjurations dictées par la peur ou l’ambition », tandis que peu après, Danton intervenait à la Convention pour que l’on endigue le mouvement déchristianisateur, de sorte que, ainsi que le note Dommanget, c’est dans cette convergen¬ce de points de vue sur la question qu’il faut chercher la raison de « l’enter¬rement de la proposition Cloots » XXX.

- À la faveur de la révolution d’Octobre
Meslier, cependant, finira par être honoré par un monument... mais ce sera ailleurs et bien loin de sa paroisse française. Et il faudra patienter pour cela plus d’un siècle, tout le XIXe siècle, de la Révolution à la Première Guerre mondiale en fait, c’est-à-dire qu’il faudra attendre le triomphe de l’industrie et la révolution industrielle, la formation du monde ouvrier et de son mouvement, l’impérialisme et la grande guerre impérialiste, barbare et inhumaine qui marque la véritable entrée dans le XXe siècle puis, à l’Est, en Russie, sous la conduite du parti bolchévique, une nouvelle révolution d’importance historique mondiale, celle d’Octobre 1917. Ainsi par le triomphe de celle-ci trouvera-t-on une concrétisation de ce projet de monument où Meslier sera enfin célébré. Celui-ci était toutefois loin de lui être exclusivement dévolu puisqu’il en partagera les honneurs en compagnie de dix-huit autres « précurseurs du socialisme ».

(74) Le monument avait été inauguré à la suite de la Révolution d’Octobre, à l’initiative du Conseil des Commissaires du Peuple qui, en application du décret « sur les beaux-arts » du 11 janvier 1918 visant à « promouvoir l’art comme moyen d’agitation » XXX, avait promulgué le 12 avril celui « sur le monuments de la République », prônant « l’enlèvement des monuments érigés en l’honneur des tsars et de leurs valets et l’élaboration de projets de monuments à la révolution socialiste russe » XXX. Le décret précisait qu’il s’agissait du remplacement des monuments tsaristes « ne présentant pas d’intérêt historique et artistique » XXX.

La réalisation de cette tâche n’a pas été sans mal. Les commissariats à l’Instruction publique et aux Biens de la République à qui elle avait été confiée traînaient les choses en longueur et ne faisaient rien. Lénine, en revan¬che, attachait une grande importance à cette question des monuments publics, à leur rôle éducateur sans doute mais aussi parce qu’ils étaient susceptibles de jouer leur rôle symbolique dans le ralliement au régime soviétique de ces masses au sein desquelles la haine du tsarisme était vivace XXX.

En juillet 1918, la question avait été par trois fois inscrite à l’ordre du jour des séances du Conseil des Commissaires du Peuple XXX, en vue d’accélérer par tous les moyens la décoration des rues et des édifices publics de Moscou et Petrograd au moyen d’inscriptions et de monuments dédiés au grands noms du mouvement révolutionnaire et de la culture XXX
De mai à septembre, Lénine revint personnellement plusieurs fois à la charge sur le sujet, admonestant les deux commissaires du Peuple concernés, Anatoli Lounatcharski et Pavel Malinovski, pour leur inaction et leur manque (75) de sens pratique XXX, puis encore le 12 octobre, en réponse à une note du Présidium du Soviet de Moscou dans laquelle celui-ci se dédouanait de la non-exécution du décret du 12 avril en en faisant porter sur le commissaire à l’Instruction publique la responsabilité de la négligence XXX.

C’est malgré ces difficultés d’exécution que finira par voir le jour la stèle portant les noms des dix-neuf précurseurs de la pensée socialiste parmi lesquels se trouve celui de Meslier. Elle a été inaugurée à l’occasion du premier anniversaire de la révolution d’Octobre à la faveur duquel était également inauguré un monument à Marx et Engels et une plaque commémorative « aux combattants » de cette révolution XXX.
L’obélisque a remplacé, dans le jardin Alexandre qui borde le Kremlin, celui qui avait été érigé quelques années auparavant à la gloire de la dynastie des Romanov, juste avant la Première Guerre mondiale, en juin 1914, dans la foulée de la commémoration l’année précédente du tricentenaire de la naissance de la dernière dynastie tsariste XXX. Les noms des dix-huit tsars de la maison Romanov, de Michel Ier en 1613 à Nicolas II, y figuraient gravés en bas-relief sur la colonne carrée composée de sept blocs de granit gris de Finlande. Celle-ci était coiffée par une aigle impériale à deux têtes et posée sur un socle de la même pierre décoré des blasons des provinces russes entourant une représentation équestre de saint Georges terrassant le dragon et l’inscription « En commémoration du 300e anniversaire de l’avènement de la maison Romanov » XXX.

(76) Le monument n’a pas été détruit mais, sous la direction de l’architecte Nikolaï Vsevolojski à qui la direction du travail avait été confiée, transformé en la nouvelle stèle socialiste. L’aigle qui trônait au sommet y a bien sûr été enlevée. Tous les éléments de son socle qui rappelaient le tsarisme ont été rabotés. Les armoiries ont été arasées et l’image de saint Georges et du dragon, entièrement gommée, a été remplacée par l’inscription « РСФСР » taillée dans la pierre, le sigle désignant la République socialiste soviétique fédérative de Russie (RSFSR) née quelques mois plus tôt, tandis que l’inscription à la mémoire de la dynastie des Romanov a été remplacée par la formule du Manifeste communiste « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».

Sur la stèle, les noms des tsars sculptés en bas-relief ont été raclés et remplacés par ceux de dix-neuf penseurs socialistes gravés sur la surface des blocs de granit.

Il s’agit, dans l’ordre où ils paraissent XXX, de (77)

Karl Marx (1818-1883),
Friedrich Engels (1820-1895),
Wilhelm Liebknecht (1826-1900),
Ferdinand Lassalle (1825-1864),
August Bebel (1840-1913),
Tommaso Campanella (1568-1639),
Jean Meslier (1664-1729) XXX,
Gerrard Winstanley (1609-1652),
Thomas More (1478-1535),
Claude-Henri Saint-Simon (1760-1825),
Édouard Vaillant (1840-1915),
Charles Fourier (1772-1837),
Jean Jaurès (1859-1914),
Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865),
Mikhaïl Bakounine (1814-1876),
Nikolaï Tchernychevski (1828-89),
Piotr Lavrov (1823-1900),
Nikolaï Mikhaïlovski (1824-1904),
Gueorgui Plekhanov (1856-1918).

L’élaboration de cette liste plutôt éclectique de penseurs socialistes avait été confiée par le Soviet de Moscou à Vladimir Friche XXX, un spécialiste marxiste de l’histoire de la littérature qui venait de rejoindre en 1917, l’année révolutionnaire, le parti bolchévique XXX.

Telle qu’elle a été présentée pour approbation à Lénine, elle contenait originellement un vingtième et ultime nom, le seul qu’il ait biffé : le sien XXX. À l’évidence, Lénine ne cultivait pas le culte de la personnalité. Tous les penseurs qui figurent sur l’obélisque sont donc alors décédés, Plekhanov (78) très récemment puisqu’il venait de mourir le 30 mai 1918 XXX, quelques semaines à peine avant que la liste n’ait été arrêtée.

Il est intéressant de se pencher sur le choix des noms qui y a été fait, parmi lesquels se retrouve celui de Meslier. Ils présentent en effet pour nombre d’entre eux des incongruités en regard des conceptions théoriques du marxisme. Tous ne s’inscrivent pas, loin de là, dans son antécédence ou dans sa filiation que défendait – et venait de concrétiser – le bolchévisme. Jean-Jacques Marie y voit la « volonté de situer la Révolution d’Octobre dans la continuité de tous les courants révolutionnaires, utopistes, anarchistes, sociaux-démocrates, populistes, communistes » XXX.

Peut-être. Mais peut-être aussi cet éclectisme est-il le résultat de la précipitation, voire d’un certain (79) dilettantisme ? À moins qu’il ne s’agisse d’une décision motivée par le contexte particulier dans lequel se construisait le jeune État soviétique.

Il y a certainement une volonté affichée d’internationalisme. Ainsi, si l’on retire Marx et Engels (qu’il aurait été inconcevable de ne pas retrouver cités en tête de tous les autres) ainsi que les six autres « penseurs historiques » que sont Campanella, Meslier, Winstanley, More, Saint-Simon et Fourier (qui ont en commun de ne pas ou plus jouir d’aucune influence sur le mouvement socialiste et/ou révolutionnaire) et dont la nationalité, en conséquence, ne présentait pas d’intérêt politique), la liste comporte trois Français : Vaillant, Jaurès, Proudhon XXX ; trois Allemands : Liebknecht, Lassalle et Bebel ; les cinq derniers, cités à la fin seulement, étant des Russes : Bakou¬nine, Tchernychevski, Lavrov, Mikhaïlovski et Plekhanov XXX.

La sélection retenue n’est pas sans imprécision dans la façon d’écrire celui de Gerrard Winstanley, orthographié « Уинстлей » (« Winstleï ») au lieu d’être être translittéré comme il aurait dû l’être en cyrillique en « Уинстенли » XXX.

Elle n’est pas non plus sans carences. Ainsi, parmi les plus célèbres ou les plus grands du Panthéon révolutionnaire de l’humanité, quantité de noms qui auraient pu y figurer ne s’y trouvent pas : ceux, par exemple, de Sparta¬cus, le célèbre dirigeant de l’insurrection des esclaves qui de 73 à 71 av. J.C. avait fait trembler Rome ; de Thomas Münzer, le révolutionnaire communiste de la Bauernkrieg, la « guerre des Paysans » du début du XVIe siècle en Allemagne ; de Jean-Paul Marat, l’inlassable « Ami du peuple », pourfendeur de toutes les inégalités ; de Gracchus Babeuf, le dirigeant communiste de la Conjuration des Égaux de 96 ; de Robert Owen, le socialiste utopique anglais du tout début du XIXe siècle qu’Engels et Marx tenaient en aussi haute estime que ses contemporains français Saint-Simon et Fourier XXX ; d’Auguste Blanqui, (80) « l’Enfermé », l’infatigable révolutionnaire communiste français que Marx, quoique leurs conceptions tactiques divergeassent, considérait « comme la tête et le cœur du parti prolétaire en France » XXX ; de tant de dirigeants de la Commune autres qu’Édouard Vaillant qui y est le seul ho¬noré (alors qu’il est connu surtout comme dirigeant socialiste français ayant rallié l’« Union sacrée » en 14), comme Eugène Varlin, Léo Fränkel, Émile Eudes ou, pourquoi pas une femme : Louise Michel) ; de James Connolly, le marxiste et anti-impérialiste révolutionnaire irlandais qui a dirigé l’insurrec¬tion de Pâques 1916 à Dublin, que Lénine avait saluée comme un des pre¬miers pas de la révolution sociale mondiale XXX, etc.XXX

Mais outre le choix des noms retenus, c’est l’ordre dans lequel ils sont énumérés qui étonne. Il n’est pas non plus sans intérêt de s’y arrêter un moment. Pourquoi, après Marx et Engels, retrouve-t-on, sans grande logique dans leur ordonnancement, les trois dirigeants socialistes allemands que sont respectivement Liebknecht, Lassalle et Bebel ? La justification d’un regroupement « national » des Allemands à la suite immédiate des deux fondateurs du marxisme – allemands eux aussi – ne tient pas. S’il pouvait en effet se justifier pour Wilhelm Liebknecht et August Bebel qui s’inscrivent dans leur filiation, que vient y faire, intercalé entre eux, Ferdinand Lassalle ? L’ordre chronologique ne le justifie pas, la cohérence doctrinale moins encore.


À la différence fondamentale de Lassalle, Liebknecht et Bebel étaient des dirigeants du parti social-démocrate allemand. Dans celui-ci, ils avaient tenté de maintenir le cap marxiste face à la montée en puissance du révisionnisme réformiste de Bernstein et de ses partisans qui, depuis la disparition d’Engels, y affirmaient toujours plus ouvertement leurs points de vue. Ils l’avaient fait jusqu’à leur mort, le premier en 1900, le second en 1913, à la veille du déclenchement de la Grande Guerre, son décès lui ayant ainsi évité de se retrouver face au choix posé en août 1914 de voter ou non les crédits de guerre, là où tant de dirigeants ouvriers – à l’exception notable des bol¬chéviques et, en Allemagne, de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg – (81) abandonneront l’internationalisme prolétarien et la solidarité sociale au pro¬fit du patriotisme et de la solidarité nationale derrière leur propre bourgeoisie.

Glissé au milieu de ces deux dirigeants marxistes, le choix d’insérer Lassalle détonne. Certes, ce socialiste allemand du milieu du XIXe siècle, à l’époque où le marxisme était encore loin de s’imposer, avait joué un rôle dans la fondation et la construction du tout premier parti ouvrier allemand, mais Marx et Engels avaient publiquement pris leurs distances avec lui, critiquant sans ménagement ses conceptions économiques (notamment sa fameuse « loi d’airain des salaires ») et sa pratique politique, comme son soutien à la politique nationaliste de Bismarck, ainsi que ses thèses sur l’État que ses partisans continueront longtemps encore à défendre dans le mouve¬ment ouvrier allemand XXX.

Étonnant ensuite le choix d’inscrire, consécutivement aux noms de ces socialistes allemands, ceux des utopistes qu’étaient Tommaso Campanella et Thomas More, l’auteur de La Cité du Soleil publiée en 1623 précédant d’ailleurs, à l’encontre de toute logique historique, celui qui en avait inau¬guré le genre politico-littéraire un siècle auparavant en publiant en 1516 son Utopie.
Étonnant de même que les noms de ces deux premiers utopistes soient encore séparés par l’insertion des noms de Jean Meslier et de Gerrard Winstanley. Meslier était connu plus que vraisemblablement par Friche au travers des travaux de Volguine comme un penseur communiste qui n’était en rien utopiste mais comme un révolutionnaire athée. Quant à Gerrard Winstanley, rien d’utopiste non plus chez ce dirigeant révolutionnaire communiste anglais qui prônait le partage en commun des terres, et l’avait d’ailleurs concrètement organisé dans le Surrey en 1649, dans la foulée de la grande révolution cromwellienne du milieu du XVIIe siècle.


Étonnant également que les noms de Claude-Henri Saint-Simon et de Charles Fourier, ces deux précurseurs français du socialisme du début du XIXe siècle dont Engels, tout en soulignant leurs limites historiques, avait salué les mérites respectifs à cette époque où la production capitaliste était « encore dans les langes » XXX, soient eux aussi séparés par l’insertion de celui d’Édouard Vaillant. Ce dernier, s’il avait certes été membre de la Commune de 1871, était devenu par la suite un de ces leaders de la SFIO, la Section française de l’Internationale ouvrière qui, la Grande Guerre venue, se rangera (82) sur les positions patriotiques de la défense de la « commune patrie » contre « l’impérialisme allemand »XXX.

Étonnant encore que, de même qu’il sépare ceux de Saint-Simon et de Fourier, le nom de Vaillant soit à son tour disjoint de celui de Jean Jaurès, l’autre grand dirigeant du socialisme français de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, le plus grand sans doute, réformiste tout autant XXX même si, et à la différence du précédent, il avait continué jusqu’à son assassinat quelques jours avant le déclenchement de la guerre à prôner la grève générale contre celle-ci.


Étonnant toujours que le nom de Pierre-Joseph Proudhon ait été retenu parmi ceux de la vingtaine de penseurs socialistes jugés dignes de figurer sur la stèle à leur gloire. Considéré comme la grande figure française de l’anarchisme, si sa doctrine jouissait encore, en France et en Belgique notamment, d’une certaine influence dans le mouvement ouvrier, et si en Russie il pou¬vait encore être apprécié des anarchistes et des révolutionnaires de la pre¬mière heure du mouvement paysan, Marx l’avait idéologiquement combattu avec énergie XXX. Père du mutuellisme, du fédéralisme anticentralisateur, antisé¬mite et antiféministe, ses conceptions idéologiques se situaient aux antipodes de celles du marxisme et du bolchévisme.


Étonnant donc que Lénine, qui accordait une grande importance à la « propagande monumentale » ait accepté telle quelle cette énumération de noms devant figurer sur la stèle. Devait-il être pressé, absorbé qu’il était par tant d’autres tâches en cette période troublée où il s’agissait à la fois de construire à partir de presque rien une nouvelle forme inédite d’État aux travers des affres de la guerre civile ? Ou bien, tout à la hâte de valider le travail qui devait enfin permettre l’édification d’un de ces monuments pour les¬quels il avait tant de fois battu le rappel XXX, était-il préoccupé seulement d’y supprimer son seul nom ? (83)

Étonnant enfin de retrouver parmi les cinq derniers noms de la liste qui sera retenue, les noms des Russes, ceux de Mikhaïl Bakounine, Nikolaï Tchernychevski, Piotr Lavrov et Nikolaï Mikhaïlovski. Le dix-neuvième et tout dernier, celui de Gueorgui Plekhanov pose moins de problèmes. S’il avait rejoint les menchéviques, avait condamné la première révolution russe en 1905, s’était rangé sur des positions chauvinistes en 1914 et avait condamné la révolution d’Octobre, il était surtout, avant tout, le théoricien qui avait introduit en Russie le marxisme et contribué ainsi à former bien des militants révolutionnaires, dont Lénine lui-même et tant d’autres bolchéviques.


Outre Plekhanov, les quatre autres Russes retenus semblent donc plus problématiques. La présence du nom de Bakounine d’abord peut surprendre, ce théoricien bien connu de l’anarchisme et célèbre opposant russe à Marx au sein de l’AIT, la Première Internationale. Celle des trois suivants aussi, qui sont liés au monde paysan et au narodnisme, ce mouvement que l’on appelle souvent le « populisme russe », et dont les organisations Zemlia i Volia (« Terre et Liberté ») dans les années 1860 et 1870, puis Narodnaïa Volia (« Liberté du Peuple »), avaient pratiqué le « terrorisme excitatif » (l’organisation d’attentats visant à radicaliser les masses) que dénonçaient les bolchéviques, et dont le parti socialiste révolutionnaire (SR) était à l’époque le lointain héritier.


Tchernychevski, qui avait été l’un des plus célèbres inspirateurs de ce mouvement, est encore celui qui présente le moins de difficultés idéologiques. Son roman Que faire ?, publié d’abord sous forme de feuilleton en 1862-1863, avait joué un rôle énorme dans l’histoire des luttes politiques en Russie, influençant des générations de révolutionnaires russes, les narodniki comme les marxistes et, parmi ceux-ci, Lénine qui, en manière de dette de reconnaissance, en reprendra le titre pour son livre dans lequel il expose les fondements de la stratégie et de la tactique du bolchévisme XXX.

Également influencés par Tchernychevski, Lavrov qui, exilé à Paris, avait été membre de l’AIT et avait participé à la Commune, et Mikhaïlovski, proudhonien XXX prônant l’organisation coopérative de la société sur base du mir (la communauté villageoise russe), avaient tous deux été de grandes figures, toujours populaires au sein de la paysannerie, de ce narodnisme XXX.

(84) L’importance consacrée à ce courant politique paysan ainsi qu’à l’anarchisme ne peut pas être le fruit d’un choix fortuit. À preuve, on peut noter que, à la différence des noms qui les précèdent, ceux qui représentent cette mouvance politique russe sont cette fois cités dans un ordonnancement chronologique cohérent. Une telle importance semble en fait plutôt devoir être inscrite dans la conjoncture politique de l’année 1918, celle de la construction du nouvel État révolutionnaire que les bolchéviques appelaient la « dictature démocratique des ouvriers et des paysans ». Pour la consolider, ils comptaient d’autant plus sur l’appui des campagnes que celui-ci était fragilisé par la défection des « SR de gauche », les révolutionnaires paysans.

Ces derniers, s’ils s’étaient séparés de la droite du parti SR défendant les intérêts des propriétaires fonciers pour soutenir la révolution et participer avec les bolchéviques au pouvoir pendant l’hiver 1917-1918, avaient ensuite rompu leur alliance en mars, désapprouvant la paix sans conditions signée à Brest-Litovsk, et tenté en juillet un coup de force à Moscou, qui sera réprimé.
C’est donc vraisemblablement en raison de cette situation extrêmement tendue et de la nécessité politique qui en découle de s’allier le monde paysan en révolution, alors même que débute la terrible guerre civile, qu’il faut chercher la raison de cet assemblage à l’allure idéologiquement décousue des noms plutôt disparates que l’on retrouve sur la stèle.

UN MONUMENT POUR MESLIER


Quelle qu’en fut l’histoire que j’ai tenté de retracer ci-dessus des noms qui ont été gravés dans la pierre de l’obélisque socialiste de Moscou, ce monument a été le seul et unique au monde où se trouvait célébré Jean Meslier.
Il nous faut malheureusement utiliser le passé pour en parler, car depuis peu, le monument n’existe plus. Transféré en 1966 dans la partie supérieure du jardin Alexandre, ce qui en soi ne portait en rien à conséquence, il n’a pas survécu au renversement du pouvoir soviétique un quart de siècle plus tard en 1991, même s’il a quant à lui encore pu subsister près d’un autre quart de siècle encore.
Le 30 juin 2013 en effet, on procédait à sa démolition. Il faudra deux jours pour en venir à bout XXX. Aiguillonné par les demandes venant des grou¬pes les plus réactionnaires, nationalistes et religieux nostalgiques du tsarisme XXX, (85) le ministère russe de la Culture avait, en cette année du quatre centième anniversaire de la naissance de la maison Romanov, décidé de rétablir le monument en sa forme historique à la gloire de la dernière dynastie tsariste XXX. Il est vrai qu’il sied mieux aux rêves de grandeur de l’actuelle Russie de Poutine. Celui-ci sera reconstruit, non sans difficultés et approximations (mais ceci est une autre histoire XXX) pour la fin du mois d’octobre, et inauguré le 4 novembre 2013.

Il n’existe donc plus aujourd’hui aucun monument où l’on retrouve le nom de Jean Meslier, nulle part dans le monde ni même en France où pourtant, pour reprendre la formule d’Hendrick Quack qui, il y a près d’un siècle et demi, déplorait qu’il n’y en ait aucune de Meslier, « l’on trébuche sur les statues d’anticléricaux » XXX.

(86) Seule aujourd’hui une plaque commémorative portant son nom, apposée sur la façade de la mairie d’Étrépigny, le village où il a vécu les quarante dernières années de sa vie, y fait référence. Elle a été inaugurée à l’occasion du colloque international qui lui était consacré à Reims en 1974, lors d’une cérémonie à laquelle assistaient les membres de ce congrès venus en délégation célébrer son souvenir, parmi lesquels l’on trouvait Roland Desné qui avait coordonné l’édition de ses Œuvres et, entre autres, Albert Soboul qui y avait contribué XXX.

C’est bien là, dans « son » village, la seule marque « patrimoniale », dira-t-on à défaut de pouvoir dire « monumentale », où se retrouve publiquement gravé son nom.
À quand donc un monument pour célébrer comme il se doit Jean Meslier ? 

(87) Et pourquoi pas à Étrépigny, sur la place du village qui porte son nom ?

Non pas une statue puisque le visage et l’aspect physique de Meslier nous sont inconnus : à quoi ressemblerait-elle, sinon à paraître fantastique ou surréaliste. Une telle forme ne convient pas à ce penseur matérialiste et révolutionnaire, si proche du peuple, des paysans pauvres et écrasés qu’il a connus et à qui il destinait son Mémoire XXX.

Mais une sculpture, une masse brute de granit ou de marbre polie sur une seule face par exemple ou – pourquoi pas ? – un bloc de « pierre de Dom » XXX flanqué d’une plaque de marbre où seraient inscrites les paroles qu’il a écrites et qui, à elles seules, résument l’ensemble de sa pensée politique et philosophique :

- Unissez-vous donc, peuples, si vous êtes sages !
La matière ne peut avoir été créée. Elle a d’elle-même son être et son mouvement.
Toutes les religions ne sont que des inventions humaines.
Il n’y a point de Dieu.

La tâche n’est pas évidente. De même que pour obtenir d’autres dénominations de rues et de lieux publics, il faudra sans doute convaincre, et (88) vaincre surtout les réticences politiques et idéologiques d’autorités publiques, qu’elles soient locales ou régionales. Tant il est vrai que, à droite comme à gauche, dans le monde conservateur comme dans le monde progressiste, la question des marques patrimoniales et de la mémoire a son importance.

De ce point de vue, trois siècles après qu’il l’a laissé voguer à la destinée posthume, la pensée radicale de Meslier suscite encore – quelle avance avait-il donc sur son temps ! – bien des controverses.

L’association des « Amis de Jean Meslier », créée en 2011 dans le but de faire connaître ce penseur et d’en promouvoir la pensée, s’emploie à mener cette initiative à bon port XXX.

Meslier mérite son monument. (page 89 de la version papier)

Notes

  1. Rudolf Charles d’Ablaing van Gissenburg signait plus modestement Rudolf Charles et est connu sous ce nom épuré de ses particules nobiliaires. C’est toujours son édition, malheureusement issue d’un manuscrit qui, quoique fort complet, n’est pas de la main même de Mes¬lier* que l’on peut lire aujourd’hui sur Internet**. Loin d’être un partisan de la révolution et du communisme, Rudolf Charles en occulte ces aspects qui ne lui siéent pas dans la préface qu’il consacre à sa publication du Mémoire de Jean Meslier. Maurice Dommanget en a fait une excellente critique lorsque, louant Rudolf Charles pour son initiative, il regrette qu’il en ait cependant tu la composante politique et sociale et n’ait pas conçu que cet aspect contribuait au moins autant que son athéisme à la notoriété de Meslier***. * Roland Desné en discute la pertinence qu’il lui reconnaît malgré les inévitables erreurs de transcription dans la préface à la publication des Œuvres de Jean Meslier qu’il a dirigée (Paris, Éditions Anthropos, t. 1, pp. CLI-CLII). ** https://books.google.be/books/about/Le_testament_de_Jean_Meslier.html?id=WHg-AAAAc AAJ (t. 1) ; https://books.google.be/books/about/Le_testament_de_Jean_Meslier.html?id=bng-AAAAcAAJ (t. 2) ; https://books.google.be/books/about/Le_testament_de_Jean_Meslier.html?id=O6IOAAAAIAJ (t. 3). *** Maurice Dommanget, Le Curé Meslier, athée, communiste et révolutionnaire sous Louis XIV. Paris, Julliard, 1965, pp. 468 et 470.
  2. Il rejoindra les bolchéviques en 1920 et deviendra plus tard vice-président de l’Académie russe des Sciences (de 1942 à 1953).
  3. Œuvres de Jean Meslier. Op. cit., « Bibliographie », t. 3, pp. 582 et 581 et, pour plus de précisions, en ligne : http://sotref.com/ateizm/470-svjashhennik_mele_o_lzhivosti_religii.html/
  4. Dans une discussion à bâtons rompus à ce propos, le 23 juin 2008 à son domicile parisien dans le XVe, Roland Desné me confiait n’avoir jamais compris pourquoi son confrère Deprun avait pris cet étonnant parti pris philosophique. Sur le non-cartésianisme de Meslier, je me permets de renvoyer à ce que j’en disais déjà en 1985 (« Sur le curé Maslier, précurseur du matérialisme », dans Annales historiques de la Révolution française, n° 262, 1985, pp. 417-423) et que je discute dans Lire Jean Meslier, curé et athée révolutionnaire. Introduction au mesliérisme et extraits de son œuvre (Bruxelles, Aden, 2008, pp. 37-45). Miguel Benitez démontre pour sa part de façon très convaincante que Meslier est un penseur « sans attaches significatives », dans son ouvrage Les Yeux de la raison. Le matérialisme athée de Jean Meslier (Paris, Champion, « Libre pensée et littérature clandestine », n° 52, 2012, p. 765). Voir ma recension de son livre où j’insiste notamment sur son apport sur ce point dans la présente livraison des Cahiers internationaux de symbolisme, infra.
  5. À cette époque, deux colloques ont été consacrés à Meslier : celui d’Aix-en-Provence, organisé par la Société d’Études robespierristes en 1964 dont les actes seront publiés en 1966 (Études sur le curé Meslier, Actes du Colloque international d’Aix-en-Provence, 21 novem¬bre 1964, Paris, Société des Études robespierristes, 1966, 125 p.), qui fait figure de précurseur et s’inscrit dans la foulée du travail de Dommanget qui publiera son livre l’année suivante ; et celui de Reims en 1974 dont les actes seront publiés en 1980 (Le curé Meslier et la vie intellectuelle, religieuse et sociale (fin XVIIe-début XVIIIe siècle), Actes du Colloque international de Reims, 17 au 19 octobre 1974, Reims, Bibl. de l’Université, 1980, 620 p., reprographié).
  6. Respectivement : – Jean Meslier, curé d’Étrépigny. Mémoire contre la religion. Texte établi par Jean-Pierre Jackson et Alain Toupin. Paris, Éditions Coda, 2007, 609 p. ; – Mémoire des pensées et des sentiments de Jean Meslier. Texte établi par Hervé Baudry-Kruger. Soignies, Éditions Talus d’Approche, 2007, 3 vol. ; – Serge Deruette, op. cit., 414 p. ; – Maurice Dommanget, Le Curé Meslier, athée, communiste et révolutionnaire sous Louis XIV. Paris, Éditions Coda, 2008, 366 p. (réédition) ; – Yvon Ancelin, Serge Deruette et Marc Genin, Jean Meslier. Prêtre ardennais, athée et révolutionnaire, curé d’Étrépigny de 1689 à 1729. Préface de R. Desné. Charleville-Mézières, Éditions Société d’Études Ardennaises, « Cahiers d’Études ardennaises », n° 19, 2011, 277 p. ; – Thierry Guilabert, Les Aventures véridiques de Jean Meslier (1664-1729). Curé athée et révolutionnaire. Saint-Georges d’Oléron, Éditions Libertaires, 2010, 244 p. ; – Noël Rixhon, Le Curé Jean Meslier : « Dieu n’est pas ». Extraits choisis de sa pensée. Bruxelles-Fernelmont, Éditions E.M.E., 2012, 109 p. ; – Miguel Benítez, op. cit., 841 p. ; – Michel Onfray, « Les Ultras des Lumières », dans Contre-histoire de la philosophie. T. 4. Paris, Grasset, 2007, pp. 43-98.
  7. Op. cit., p. 442.
  8. La décision en a été prise par le Conseil municipal le 21 avril 1975. Il s’agit d’une nouvelle rue de la voirie de la commune. Le procès-verbal de cette réunion présente Meslier en termes plutôt approximatifs comme un « philosophe Ardennais du 17e siècle, curé d’Etrepigny » (information aimablement fournie par Jean-Luc Claude, actuel maire de Nouvion-sur-Meuse, dans un courrier électronique du 25 août 2015).
  9. Toutes les informations reprises dans ce paragraphe viennent des renseignements qu’Yvon Ancelin, ancien instituteur du village d’Étrépigny, spécialiste local de Meslier et animateur de l’Association des Amis de Jean Meslier, a eu l’amabilité de me communiquer dans un courrier électronique du 8 août 2015.
  10. « Extrait des délibérations du Conseil municipal, séance du jeudi 7 décembre 1989 », aimablement transmis par courrier électronique du 5 août 2015 par Brigitte Mathieu, responsable du service Urbanisme de Châlons-en-Champagne.
  11. Ibidem.
  12. Courrier électronique à l’auteur de Sylvain Della Rosa, conseiller municipal PCF de Charleville-Mézières, 6 août 2015.
  13. Courrier électronique de Jean-Marc Migeot à l’auteur, 6 août 2015.
  14. Le maire Migeot avait vite pris la mesure de l’intérêt que susciterait la journée quand, plus d’un an auparavant, j’étais venu lui en faire la proposition. De fait, par manque de place dans ce petit village, on a dû refuser du monde, mais ce ne sont pas moins de deux cents personnes qui y ont assisté à la manifestation. Ce jour était aussi celui des 79 ans de Roland Desné à qui l’on doit tant pour la connaissance de Jean Meslier. À son grand regret, il n’avait pas pu être présent, mais son évocation fut fort applaudie par les participants.
  15. On trouve pourtant dans l’iconographie imprimée et plus encore sur Internet une tripotée de portraits de Meslier. Ils sont tous également chimériques, illusoires ou fantasques. J’en ai pour ma part relevé pas moins d’une dizaine, tous également faux. Meslier n’a plus que vraisemblablement fait l’objet d’aucun portrait de son vivant. Alors qu’il a scrupuleusement dissimulé son manuscrit tout au long des dernières années de sa vie où il l’a rédigé et recopié, comment un curé de village, comme il y en avait près d’une centaine de milliers d’autres en France pouvait-il attirer l’attention d’un quelconque peintre ou portraitiste ?
  16. C’est ici bien sous ce terme que Meslier parlait des chrétiens, et ce terme est passé dans l’Extrait tronqué et frelaté qu’en a publié Voltaire
  17. « Discours prononcé à la Tribune de la Convention nationale, le 27 brumaire, l’an II de la République une et indivisible, par Anarcharsis Cloots », reproduit dans Procès-verbaux du Comité d’Instruction publique de la Convention nationale. Publiés et annotés par M. J. Guillaume, Paris, Imprimerie nationale, 1894, t. 2, pp. 858-859. Consultable en ligne sur le site Gallica.
  18. Préface « L’Homme, l’Œuvre et la Renommée », dans Œuvres de Jean Meslier, op. cit., t. I, p. XL (souligné par l’auteur).
  19. Op. cit., p. 452.
  20. François-Xavier Coquin, « L’Image de Lénine dans l’iconographie révolutionnaire et post¬révolutionnaire » dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 44e année, n° 2, 1989, pp. 224.
  21. Voir la note des éditeurs des Œuvres complètes de Lénine, Paris-Moscou, Éditions Sociales – Éditions de Moscou, t. 35, p. 616. Ce décret est publié le 14 avril 1918 dans la Pravda (ibidem).
  22. Idem, t. 44, p. 489.
  23. Idem, t. 44, p. 11. Ces deux motivations (l’éducation des masses et leur adhésion au régime soviétique) me semblent bien autrement sérieuses que celle qu’avance Timothy Colton, selon laquelle l’idée aurait été inspirée à Lénine par la Cité du Soleil, l’utopie de Tommaso Campanella de 1602 sur laquelle Maxime Gorki aurait attiré son attention ! (Timothy J. Colton, Moscow. Governing the Socialist Metropolis. Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, 1995, p. 107).
  24. Les 8, 17 et 30 juillet 1918 (idem, t. 44, p. 490). Voir le texte du projet de décision du Conseil des Commissaires du Peuple au sujet de la non-exécution du « décret sur les monuments de la République » du 8 juillet au t. 42, p. 92.
  25. Idem, t. 35, p. 616 (notes des éditeurs).
  26. Notamment dès le début mai 1918 (« entre le 1er et le 13 » (idem, t. 44, p. 59), le 15 juin (t. 44, p. 84) et le 18 septembre de cette même année (t. 35, p. 367).
  27. Idem, t. 35, pp. 373-374.
  28. Voir les discours prononcés par Lénine à l’occasion de ces deux dernières inaugurations (Idem, t. 28, respectivement pp. 168-169 et 170-171).
  29. Et non en 1913, comme l’erreur en est souvent reprise, entre autres exemples par Fr.-X. Coquin (op. cit., p. 224). Le projet de cet obélisque, issu d’un concours lancé en 1912 en vue de cette commémoration l’année suivante, avait pris du retard, l’Académie des Arts ayant émis des objections de forme dont son promoteur, l’architecte Sergej Vlassev, avait dû tenir comp¬te. La première pierre n’en fut posée qu’en avril et le monument inauguré en grande pompe le 10 juin 1914 (Sergej Samohvalov, « Izuvečennaá památ’. O Romanovskom obeliske v Aleksandrovskom sadu » [« Mémoire mutilée. L’obélisque des Romanov dans le jardin Alexan¬dre »], dans Hronos. Vsemirnaá istoriá v Internete, 2010). Consulté en ligne : http://www.hrono.ru/statii/2010/samo_obel.php/ Je remercie vivement Olga Baïnova, coordinatrice du Centre russe de la FTI-EII de l’Univer¬sité de Mons, pour l’aide à la compréhension de certains passages en russe, ma connaissance de cette langue étant plus que rudimentaire.
  30. L’inscription russe : « В память 300-летия воцарения Дома Романовых ».
  31. L’énumération gravée sur la pierre ne porte que les noms sans mention du prénom (à la seule exception de Thomas More, dont le court nom est précédé de l’initiale du prénom) ni des dates de naissance et de décès, que j’ajoute ici à titre informatif.
  32. Le nom de Meslier, écrit comme tous les autres en majuscules, est translittéré en cyrillique « МЕЛЬЕ » (le « Ь » est une voyelle molle qui « mouille » la consonne qui la précède, ici le « Л »). Pour le détail, notons que son nom paraît comme mis en évidence par une encoche qui paraît à sa hauteur, sur sa gauche, dans le granit. Il s’agit d’une petite excavation que la pierre semble présenter naturellement, donc involontaire et, quoiqu’il en soit déjà présente sur le monument tsariste.
  33. Sergej Samohvalov, op. cit.
  34. Il sera plus tard directeur de l’Institut de la Langue et de la Littérature ainsi que des départements de littérature de l’Institut des Professeurs rouges et de l’Académie communiste (http://encyclopedia2.thefreedictionary.com/Vladimir+Friche).
  35. Jean-Jacques Marie, Lénine. 1870-1924. Paris, Balland, 2004, p. 261.
  36. Il s’agit bien de la date du calendrier grégorien que la Russie soviétique venait nouvellement d’adopter dans les semaines qui ont suivi la révolution d’Octobre, abandonnant ainsi le calendrier julien en vigueur jusque-là, qui retardait alors de treize jours sur le calendrier grégorien en usage dans les pays occidentaux, le 1er février 1918 devenant ainsi le 14 février 1918.
  37. Jean-Jacques Marie, op. cit., p. 261.
  38. Le proudhonisme, même de façon déclinante, garde encore à l’époque une influence dans le mouvement ouvrier.
  39. Il y en aurait eu six si Lénine, on l’a vu, n’avait rayé son nom sur la liste qui lui était proposée.
  40. Ou « Уинстэнли », comme on en retrouve aussi la leçon, également correcte, dans des articles postérieurs qui lui sont consacrés (information transmise par Olga Baïnova, courrier électronique du 17 août 2015). Samokhvalov, à juste titre, ne manque pas d’épingler cette erreur. De même, dans sa volonté de dénigrer l’obélisque soviétique pour le remplacement duquel il plaide dans son article cité de 2010, il note une autre erreur dans la façon d’ortho¬graphier en cyrillique « Вальян » le nom de Vaillant qui aurait dû être, en toute logique phonétique, translittéré en « Вайян ». Mais les deux leçons se retrouvent également, encore aujourd’hui (comme une recherche sur Google permet de s’en rendre compte) et tout porte à croire que, historiquement, le nom d’Édouard Vaillant était connu sous la graphie « Вальян » dans le mouvement ouvrier russe de l’époque.
  41. Friedrich Engels, Socialisme utopique et socialisme scientifique. Traduction de Paul Lafargue. Bruxelles, Aden, 2005, pp. 52-63.
  42. Karl Marx, lettre au Dr Watteau, 10 novembre 1861, citée par V. P. Volguine dans sa préface à Auguste Blanqui, Textes choisis. Paris, Éditions sociales, « les Classiques du Peuple », 1971, p 25.
  43. Voir son article sur le sujet reproduit en ligne : https://liberationirlande.wordpress.com/2012/05/29/lenine-linsurrection-irlandaise-de-1916/
  44. Quant à Maximilien Robespierre, Lénine avait tenu à ce qu’on lui élève rapidement une statue. Elle sera inaugurée le 3 novembre 1918, quatre jours avant la fête de la révolution d’Octobre, également dans le jardin Alexandre. Réalisée en béton, par manque de bronze ou de marbre en cette période de guerre civile où tout manquait, elle fut immédiatement détruite, vraisemblablement par un acte de vandalisme contre-révolutionnaire (James von Geldern, Bolshevik Festivals. 1917-1920. Oakland, University of California Press, 1993, p. 83).
  45. Voir Karl Marx, Critique du Programme de Gotha (Beijing, Éditions en langues étrangères, 1972, pp. 20-21 sur la « loi d’airain » et pp. 25-30 pour sa critique des conceptions lassaliennes de l’État).
  46. Friedrich Engels, op. cit., p. 54 (citation) et pp. 55-58.
  47. Lénine n’avait pas manqué d’ailleurs de le critiquer. Voir par exemple son article : « La Faillite de la IIe Internationale », écrit en 1915, consultable en ligne : https://www.marxists. org/francais/lenin/works/1915/05/19150500.htm. En 1920 encore, il dira de Vaillant qu’il « fut comme Guesde un des grands chefs du socialisme international, avant leur trahison du socialisme en août 1914 » (La Maladie infantile du communisme, consultable en ligne : http://classiques.uqac.ca/classiques/lenine/maladie_infantile_du_communisme/maladie_infantile.html, p. 64 du texte en Word).
  48. Lénine le considérait, avec Millerand, comme un des « représentants les plus en vue de l’opportunisme en France » (L’État et la Révolution. Paris-Moscou, Éditions sociales – Édi¬tions du Progrès, 1976, p. 161).
  49. On se souvient qu’à la Philosophie de la misère, le livre que Proudhon avait publié en 1846, Marx avait répliqué l’année suivante par sa Misère de la philosophie, ouvrage dans lequel il soumettait les thèses du penseur français à une critique serrée et implacable.
  50. Voir supra.
  51. V. I. Lénine, Que faire ? (1902). Voir aussi Nicolas Valentinov qui rapporte que, à la question de savoir si le hasard était pour quelque chose dans le choix pour son ouvrage du même titre que celui du livre de Tchernychevski, Lénine avait répondu, ne laissant aucune équivo¬que : « Quel hasard pourrait-il y avoir là, à votre avis ? » (Mes rencontres avec Lénine. Paris, Plon, 1964, p. 111).
  52. Serait-ce pour cette raison que le nom de Proudhon figure aussi sur la stèle ?
  53. Voir en ligne : http://encyclopedie_universelle.fracademic.com/11839/lavrov/ et http://www. universalis.fr/encyclopedie/nikolai-konstantinovitch-mikhailovski/
  54. L’agence de presse RIA Novosti et le site d’information russe lenta.ru l’annonçaient tous deux en date du 2 juillet 2013 : http://ria.ru/moscow/20130702/947127811.html/ et http:// lenta.ru/news/2013/07/02/obelisk/.
  55. Dès le 8 janvier 2011, sous le titre « Rétablir l’obélisque des Romanov », la « Fondation “Le Retour” » qui prône le renouveau des « valeurs morales et sociales » délaissées dans la période soviétique, signalait avoir pris contact avec le président russe Medvedev pour lui proposer de rétablir l’obélisque des Romanov dans sa forme initiale www.vozvr.ru/Публикации/Публикацияподробно/tabid/248/ArticleId/1100/.aspx C’est d’ailleurs dans ce but que Samokhvalov a écrit son article en ligne « Mémoire mutilée » que j’ai déjà cité. Cette étude bien informée n’est cependant pas sans « charmes » autrement douteux. Ainsi, peut-on noter sous sa plume une rapide mention de la judaïté de Marx qui le rend pour cela suspect à ses yeux ou, plus amusant, celle d’Engels considéré comme un « homme d’affaire de Manchester », ou encore par exemple de Thomas More critiqué pour avoir été décapité sur l’accusation de haute trahison à l’encontre d’Henri VIII, de même que Campanella l’est pour avoir passé une grande partie de sa vie dans cinquante (chiffre qu’il souligne) prisons. Quant à Meslier, si ce n’est le fait que la Révolution française l’ait considéré « sans preuve » comme le premier prêtre à avoir abjuré sa foi, la seule chose qu’il affirme à son propos (sans preuve lui aussi, notons-le, et pour cause) est qu’il aurait « enfreint son vœu de chasteté en s’amusant avec sa maîtresse qui lui avait été confiée comme servante » !
  56. L’agence de presse orthodoxe Rousskaïa linia (« Ligne russe ») l’annonçait le 15 janvier 2013 (http://rusk.ru/newsdata.php?idar=58981/).
  57. L’entreprise en charge des travaux n’a pas reproduit à l’identique le monument édifié en 1914 : la représentation de saint George par exemple ne correspond pas à l’original, le lettrage du texte sculpté diffère et celui-ci n’était pas exempt de fautes d’orthographes (rectifiées depuis) ! Voir en ligne : http://lenta.ru/news/2013/10/30/alexgarden/ et http://searchnews.info/52903-obelisk-v-chest-300-letiya-doma-romanovyh-otrestavrirovali-chereschur-nebrezhno.html.
  58. H.P.G. Quack, De Socialisten. Personen en stelsels. T. 1 : Het Socialisme voor de negentien¬de eeuw. Baarn, Het Wereldvenster, 1977 (réédition de l’édition de 1921 ; 1re édition de ce 1er vol. en 1877), pp. 245-246 (ma traduction). Quack a pu connaître Meslier par l’édition de son Mémoire qu’en avait faite Rudolf Charles en 1864 (voir supra).
  59. Voir supra. En 1980, Roland Desné parle à son propos d’un des événements qui, «en marge et au-delà» du colloque de Reims, en a fait «une fête dont le souvenir dure dans les mémoires». («Présentation» des actes. Op. cit., p. VIII).
  60. Son Mémoire, ainsi qu’il l’affirme dans son titre même, est « adressé à ses paroissiens après sa mort » et « à tous leurs semblables ».
  61. Cette pierre jaune-ocre tient son nom des carrières de Dom-le-Mesnil, situées à quelques kilomètres à peine d’Etrépigny. La dernière en activité avait fermé dans les années soixante-dix, mais une de ces carrières vient d’être remise en activité en 2014 (informations d’Yvon Ancelin, courrier électronique à l’auteur du 17 août 2015).
  62. Pour toutes informations sur cette association, le mieux est de renvoyer à son site : http:// www.jeanmeslier.fr/

Metadata

Auteurs
Serge Deruette
Sujet
L'abbé Meslier
Genre
Essai historique et philosophique
Langue
Français