Hommage à Jacques Bertrand par la SLLW
Marie-Louise Pivetta
Texte
La Société de Langue et de Littérature wallonnes (SLLW) organise tous les ans une séance de « décentralisation » destinée à mettre en honneur un auteur qui a illustré les lettres en langue wallonne. C’est ainsi qu’en 2016, le 1er octobre, un hommage a été rendu à Willy BAL (1916–2013) dans son village natal de Jamioulx, et que le 11 novembre 2017, la séance de « décentralisation » a été consacrée à Jacques BERTRAND (1817–1884), à l’occasion du bicentenaire de sa naissance et cela, dans les superbes locaux du Quai 10 à Charleroi.
Comme c’est généralement la coutume dans ce type de séance, après une introduction du président de la SLLW, on a l’occasion d’entendre quatre exposés spécifiques qui font l’objet d’une publication ultérieure, dans la collection « Mémoire wallonne ».
L’actuel président de la SLLW, Bernard LOUIS, prit donc la parole en premier lieu pour remercier l’Association littéraire wallonne de Charleroi et Èl Môjo dès Walons – Maison carolorégienne des traditions qui ont collaboré à la mise sur pied de la manifestation ; il céda ensuite la parole à Pierre ARCQ qui évoqua le Charleroi du 19e siècle où vécut Jacques BERTRAND et plus particulièrement la Ville-Haute qui connut une mutation majeure au moment où les remparts furent démolis ; les premiers travaux de démantèlement étant entrepris, en 1866, par les habitants eux-mêmes, lassés des atermoiements des autorités.
Pierre ARCQ illustra ses propos de nombreuses cartes qui témoignèrent des bouleversements que connurent les Carolorégiens à l’époque et qui furent le thème de bon nombre de chansons de Jacques BERTRAND et de son cousin Albert THIBAUT (1815–1880).
Jacques LARDINOIS, pour sa part, évoqua longuement, et de manière très fouillée, la langue du chansonnier. Il fit remarquer que le wallon carolorégien, une variété de l’ouest-wallon, est plutôt un parler hybride plus qu’un vecteur endogène ; ceci étant dû au fait que la ville fut, au départ, une forteresse peu peuplée d’ « autochtones ».
Jean-Luc FAUCONNIER, décrivit la place de Jacques BERTRAND dans la littérature en wallon de Charleroi. Ce fut un pionnier en matière de chanson précédé du seul Nicolas BOIRON (1799–1857). Contemporain des fabulistes Horace PIÉRARD (1816 – 1878) et Léon BERNUS (1834–1881), il fit beaucoup pour la diffusion du wallon et il put aussi s’appuyer sur une presse locale qui ne manqua pas de publier ses textes.
Il évoqua aussi le succès du chansonnier et rappela combien ce dernier reçut, de son vivant, les hommages de la population et des autorités carolorégiennes. Le succès qu’il rencontra, succès qui se perpétue de nos jours, est dû à la bonhomie de sa production. En effet, son inspiration – les femmes, les « francs buveurs », les gourmands ou encore les Flamands fraîchement « émigrés » – ne le poussa pas vers une critiques acide, mais le conduisit plutôt vers une empathie, certes non dépourvue d’ironie, qui ne pouvait que plaire et continuer à plaire.
Xavier BERNIER a intitulé son exposé «Chansonniers en goguette et mélodies baladeuses : la fabrique de chansons de Jacques BERTRAND». Il évoqua, notamment, le fait que ce dernier « empruntait » souvent ses musiques à des chansons à succès de son époque. Il captiva les assistants en s’accompagnant à la guitare et montrant, notamment, que la musique de la célèbre chanson Sintèz come èm keûr bat, dont la protagoniste n’est autre que le tout aussi célèbre Lolote, avait été empruntée au goguettier Émile DEBRAUX XX.
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La séance se clôtura de manière festive par la prestation du groupe mené par Pascal HERINGER, Lès tchanteûs d’ ducace. On eut ainsi l’occasion d’entendre quelques grands classiques tels : La jolie fille du Faubourg ou encore Sintèz come ém keûr bat mais aussi d’autres chansons moins connues comme Èl pus bia molèt d’ Châlerwè. La prestation de cette excellente « équipe » se termina par le célèbre Pays de Charleroi que les assistants ne manquèrent pas de reprendre en choeur.
Non, Jacques BERTRAND n’est pas oublié même si quelques « beaux esprits » se plaisent à le dénigrer, oublieux qu’ils sont que l’on est toujours le ringard de quelqu’un.
© Marie-Louise Pivetta, 2018
Note
Les goguettes constituaient des réunions festives d’une vingtaine de personnes qui se plaisaient à chanter. Émile DEBRAUX (1796–1851) est l’auteur des paroles de T’en souviens-tu ? dont la musique est due à Joseph-Denis DOCHE (1766 – 1825). L’air de cette chanson qui évoque les déboires d’un grognard victime de l’ingratitude de ses contemporains, a été repris par Charles DU VIVIER DE STREEL (1799–1863) dans Li pantalon trawé qui évoque les malheurs d’un Wallon incorporé dans les armées napoléoniennes. Cet air est aussi celui d’une célèbre chanson d’étudiants, Le fusil, une chanson toute pétrie de l’ambiguïté paillarde qui caractérise ce type de chant.
Notes
- Les goguettes constituaient des réunions festives d’une vingtaine de personnes qui se plaisaient à chanter. Émile DEBRAUX (1796 – 1851) est l’auteur des paroles de T’en souviens-tu ? dont la musique est due à Joseph-Denis DOCHE (1766 – 1825). L’air de cette chanson qui évoque les déboires d’un grognard victime de l’ingratitude de ses contemporains, a été repris par Charles DU VIVIER DE STREEL (1799 – 1863) dans Li pantalon trawé qui évoque les malheurs d’un Wallon incorporé dans les armées napoléoniennes. Cet air est aussi celui d’une célèbre chanson d’étudiants, Le fusil, une chanson toute pétrie de l’ambiguïté paillarde qui caractérise ce type de chant.