© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

La métaphore du papillon. Rencontre avec Laurent Demoulin

Michel Zumkir

Texte

Laurent Demoulin a sorti, à l’automne, un roman autobiographique marquant, Robinson, sur les rapports entre un père non-autiste et un fils, oui-autiste.
Un roman travaillé par la poésie. Comme sont travaillés par la narration ses poèmes. Qu’importe la forme que prennent les textes de l’écrivain liégeois, tous sont traversés par un certain ressassement, l’obsession du langage, ses manques, par le thème de la génération et de la filiation. Tous sont aussi portés par une profonde bonté, une absence de cynisme ; par l’admiration et la reconnaissance à ses pères/pairs littéraires.

Votre premier recueil s’appelle Filiation, un des thèmes constitutifs de votre œuvre. Aviez-vous pensé ce titre comme un geste définitoire de vos textes à venir ?
La filiation n’est pas l’unique thème de mes livres. Mais, si je peux en être étonné, je dois le constater, il occupe une place centrale. Quand j’ai choisi le titre de mon premier recueil, j’ignorais ce que j’écrirais par la suite, je pensais qu’il serait un petit bout de quelque chose de très épars, disparate et différent. Même un livre comme Ulysse Lumumba est lié à la filiation, j’y parle de mes parents. Plus encore qu’on ne le pense. Ce que je ne dis pas dans le livre c’est qu’au début de leur rencontre, mon père a emmené ma mère écouter une conférence sur l’assassinat de Patrice Lumumba. Mon grand-père maternel en a été furieux. Comme il était spécialiste d’Ulysse, par ce livre, je le réconcilie avec mon père, dans le seul conflit qu’ils ont vécu.

Dans Robinson, les parents du narrateur ont l’air d’être un ciment pour lui. Les personnes de sa maisonnée, étrangement, sont peu présentes...
Je voulais resserrer le cadre sur le père et l’enfant, tout en élargissant un petit peu pour ne pas rendre le texte trop étouffant. Le thème secondaire de la famille recomposée devait être présent, mais je ne voulais pas déborder du cadre fixé. La focale sur les deux personnages donne une dimension particulière au livre ; il n’est pas seulement un livre sur l’autisme mais aussi sur la paternité. Sur la nouvelle paternité dans son rapport à la maternité : le père se demande s’il est un père ou une mère, ou une deuxième mère. Alors évidemment, il pense à son père et il pense à sa mère. Le rapport au fils appelle le rapport aux parents.


Le motif de la filiation va se nicher jusque dans la forme. Dans des recueils comme Même mort ou Palimpseste insistant, un texte peut donner naissance à un autre.
On pourrait peut-être dire que la génération subsume la filiation. Les textes se génèrent les uns les autres. C’est présent, je suis d’accord avec vous, mais involontairement. L’idée des variations dans Même mort a plusieurs origines. J’ai été influencé par certains poètes comme Francis Ponge sur lequel j’ai fait ma thèse, ou Serge Delaive. J’ai été particulièrement marqué par son Livre canoë, poèmes et autres récits paru à La Différence en 2001.
Il y écrit deux fois l’histoire du suicide de son père. Une fois de manière prosaïque, une fois de manière poétique. Pour Même mort, je trouvais que le thème de la mort – de l’agonie plus que la mort d’ailleurs, lié au ressassement, appelait à redire les choses de différentes façons. Pour moi, on est davantage dans le ressassement que dans la génération. Mais je suis d’accord avec votre interprétation. Dans Palimpseste insistant, recueil de pastiches, mélanges, parodies, réécritures à la gloire de la littérature, je suis à chaque fois le fils des écrivains ou des écrivaines que je réécris. Il ne s’agit pas d’un bras de fer, je ne me mesure pas à un tel ou un tel, je rends hommage.


Vous semblez utiliser la littérature comme une boîte à outils. Vous y glanez ce dont vous avez besoin pour écrire... Dans Robinson, vous puisez à la poésie avec les mots valises, les allitérations...
Je ne sais pas si vous avez remarqué que dans Robinson il y a des alexandrins cachés... Plus que d’être une boîte à outils, m’intéresse dans la littérature son immense variété. Je n’ai pas envie de choisir entre les baroques et les classiques, j’adore les uns et les autres. Quand je lis des auteurs romantiques, je suis avec eux ; j’adore Victor Hugo, même Musset je l’aime beaucoup. Et pourtant j’adore Rimbaud aussi. Ce n’est pas exclusif. Le rêve un peu fou serait d’être tout cela à la fois : Musset et Rimbaud et Céline et Proust et et et.

J’aime toutes les tendances, tous les partis pris, tous les mouvements littéraires, mais pas tous les auteurs de tous les mouvements. J’ai envie de les épouser tous en tournant autour. La littérature est toujours tellement différente. Chaque fois que je lis, je suis touché d’une autre façon. Je n’ai pas besoin d’attaquer le Nouveau Roman parce qu’il était pratiqué par nos grands aînés. Ce n’est pas pour autant que j’écris la même chose. Pourquoi refaire ce qu’ils ont tellement bien fait ? Par contre, on peut apprendre beaucoup à leur lecture. Comme à la lecture de l’œuvre de Zola, que Robbe-Grillet méprisait. À tort, si je puis me permettre. Je me demande aussi ce qui a pris à Claude Simon de dédaigner autant Stendhal.
La littérature est bien sûr une boîte à outils, mais on pourrait aussi développer la métaphore du papillon qui, émerveillé par toutes les fleurs, va toutes les butiner pour fabriquer sa propre fleur, son bouquet avec toutes ces fleurs-là.


Est-ce une façon d’aborder la littérature que l’on pourrait qualifier de postmoderne?
Je me sens postmoderne dans le sens étymologique : après les modernes. Les modernes étaient, en général, dans un rapport partisan à l’art, à la littérature en particulier. Les écrivains de la génération juste avant la mienne, celle d’Hervé Guibert, de Jean Echenoz ou Jean-Philippe Toussaint, sur lequel j’ai beaucoup travaillé, est déjà sortie de cela. Toussaint a lu Beckett mais n’essaie pas de faire plus fort que lui ; et moi je n’essaie pas de faire plus fort que Toussaint, ni de m’opposer à lui parce qu’il est mon glorieux aîné. Je l’ai lu, il m’a nourri, et cela continue. Il n’y a aucune raison d’y retourner.


Est-ce que le jeu de massacre de la modernité a posé des interdits, des défis à votre écriture?
Je ne sais pas. En tous les cas, j’aime bien écrire en vers réguliers, en alexandrins. Mais je ne peux pas revendiquer d’écrire en alexandrins, William Cliff l’a déjà fait, bien que d’une manière différente. Nous qui avons cinquante ans aujourd’hui avons entendu les interdits de la modernité, mais, comme je viens de le dire, nous avons des aînés qui avaient déjà commencé à s’en défaire. Nous profitons de cette sorte de libération que nous ont offerte nos grands frères.
Paradoxalement, il y a des petits frères qui sont toujours dans l’interdit d’écrire en vers, etc. Que des jeunes gens de 20 ans continuent à se revendiquer modernes m’étonne une peu.
La sortie du moderne, de la terreur du moderne offre des pistes intéressantes.
Mais l’interdit n’a pas disparu totalement. Il flotte toujours un peu dans l’air. Finalement, si William Cliff a déjà écrit en alexandrins, en écrire aujourd’hui continue d’être un geste intéressant.


Le sens ne reste-t-il pas un des tabous majeurs de la poésie?
En France, la poésie n’est pas assez postmoderne. Le sens reste l’interdit. Un bon poème serait un poème où l’on ne comprend rien. J’ai besoin que le sens de mes poèmes soit clair.
Si j’ai envie d’écrire, c’est parce que j’ai l’impression d’avoir trouvé un « motif », c’est-à-dire à la fois une forme et un sens, une chose à dire qui me semble appeler une forme intéressante.
Donc le sens est là d’emblée, dès le désir initial, dès la première intuition. Je pourrais l’évacuer en cours de route...
Mais je n’y tiens pas : un jour, une personne qui avait eu la gentillesse d’acheter mon recueil Trop tard m’a dit qu’elle n’avait rien compris à mes poèmes et je me suis senti très mal, comme si j’avais menti à cette personne...

Dans le champ de la poésie, en France plus qu’en Belgique, on considère trop vite qu’un poème clair est prosaïque. Je ne suis pas pour autant militant de la clarté : je lis moi-même des recueils entiers sans savoir vraiment de quoi ils parlent car ils sont souvent très inventifs formellement, comme si l’absence de sens libérait la forme. Mais j’ai plus de plaisir à lire les poètes ambigus, paradoxaux, qui construisent un sens premier intelligible (la dénotation), puis le nuancent par des sens seconds (des connotations), que ceux qui détruisent purement et simplement le sens premier.

J’aime Rimbaud et Mallarmé, mais je leur préfère cent fois Baudelaire. Bien plus : si les deux premiers sont plus radicaux que le troisième, je ne les trouve pas pour autant plus modernes que lui : le face-à-face entre les vers réguliers des Fleurs du mal et les poèmes en prose du Spleen de Paris me semblent plus profondément modernes que la sauvagerie immédiate des Illuminations.

De même, je préfère la fausse simplicité du Parti pris des choses de Ponge aux envolées complexes des Champs magnétiques de Soupault et Breton. Cette problématique rejoint la question de la polysémie.

D’un certain point de vue, on pourrait considérer que l’hermétisme est le comble de la polysémie, donc de la littérature : chaque lecteur mettant dans le poème le sens qu’il y voit, la signification générale est multipliée par le nombre de lecteurs. Mais je crains que l’analyse inverse soit plus juste : à l’ouverture de la signification multiple, l’hermétisme substitue un sens unique et fermé, celui du non-sens, qui subsume les micro-significations recueillies (ou créées) çà et là par le lecteur. Le non-sens donne un sens unique et répétitif à l’absence de sens, comme le fait d’apparaître dans un rêve donne, à des événements qui seraient absurdes dans le monde réel, une signification simple et définitive : « J’ai rêvé ! »


À l’origine de Robinson, il y a une lettre composée de poèmes, publiée dans la revue La bafouille incontinente. Comment êtes-vous passé d’un texte poétique à la narration?
Mon écriture première est narrative. J’ai d’abord écrit des nouvelles et des romans. Outre mon goût pour la forme, je suis arrivé à la poésie par les aléas de ma vie éditoriale.
Le fait de vivre à Liège où existent des structures dédiées à la poésie m’a encouragé à en écrire, à côté des romans.
Jacques Izoard a été quelqu’un de très important. Personnellement, je dois davantage à Karel Logist et Serge Delaive, qui m’ont soutenu. Mais sans Jacques Izoard, il n’y aurait peut-être pas eu Karel Logist et Serge Delaive. Pour Izoard, ce que je faisais était trop prosaïque.

Pour moi, le roman a quelque chose à voir avec l’enfance. Il est régressif, dans le bon sens du terme. On y retrouve le plaisir de l’imaginaire. Quand j’écris un roman, je peux m’y protéger. Quand je m’ennuie, je pense à mon roman. À la caisse du supermarché, je pense à mon roman. Je suis comme enrobé dans quelque chose, comme lorsque petit garçon je jouais avec des Playmobil.

À part Robinson, tous mes autres romans (non publiés) sont de véritables fictions. La poésie est venue plus tard, elle est un plaisir plus adulte. Du jeu avec les mots, un jeu plus réflexif, plus sérieux. J’adore ces deux plaisirs. L’écriture a pour moi quelque chose d’apaisant, de rassurant.


Qu’est-ce qui fait qu’à un moment vous choisissez d’écrire un poème ou un roman?
C’est assez mystérieux. Comme vous l’avez remarqué, sur Robinson, j’ai commencé par écrire des poèmes. Mais ils n’épuisaient pas ce que j’avais à dire.
Dans l’écriture, je cherche toujours à épuiser. Sans doute à cause des difficultés que j’ai connues à publier pendant des années, je n’ai jamais aucune certitude sur la qualité de ce que je fais. Je ne suis pas un écrivain sûr de lui. Par contre, je peux dire : là, je suis épuisé. J’ai épuisé ce que je pouvais faire avec cela.

Parfois, la poésie suffit. Par exemple, ce que j’ai écrit dans Même mort, sur la mort de mes parents, je l’ai épuisé par les jeux de variations formelles. Contrairement à cet exemple, je peux dire que bien que j’aie écrit des variations sur Robinson au cabinet, je sentais qu’il fallait en passer par le récit, épuiser ce que j’avais capté dans le poème. Assez spontanément, j’écris de la poésie, mais maintenant, après la publication de Robinson, je crois que cela va changer.

La poésie nécessite moins de temps pour obtenir un résultat achevé. Je n’ai guère de temps, mon travail m’occupe beaucoup. Un poème, je peux le faire en un mois, même en dix jours, un roman il faut trois ans.
Ce qui me plaît, c’est de mélanger un peu des deux, mettre de la narration dans la poésie, de la poésie dans la narration.
Comme Robinson n’était pas entièrement de la fiction, il fallait que j’y mette davantage de poésie que dans mes romans.

Quel est le statut de Robinson?
Je dirais que c’est un roman autobiographique. Je souhaitais sur la couverture : « roman », Gallimard préférait « récit », le compromis a été de ne rien mettre.
« Récit » disait lourdement la part autobiographique du livre. Je ne peux pas nier qu’elle existe, mais autant il me plait de parler de ce livre en librairie ou ailleurs, autant je ne veux pas parler de la réalité qui est derrière, de l’enfant véritable derrière Robinson.
Je n’ai pas le droit. On a le droit de parler de ses parents. Mes parents, d’Hervé Guibert est un livre horrible pour ses parents, mais ils n’avaient pas besoin de faire Hervé Guibert.

L’interdit est bien plus fort pour écrire sur ses enfants. Christine Angot l’a fait, avec Léonore, toujours. Mais quand elle en parle, elle dit que c’est le tabou total, qu’elle a tout sacrifié à la littérature. Je ne m’autoriserais pas cela. Robinson est possible parce qu’il ne sera jamais lu par le vrai enfant qui est derrière, et parce qu’il a été transformé par la littérature, ce qui n’est déjà pas facile.

Dire que Robinson est un roman n’est pas juste une pétition de principe, et cela, pour plusieurs raisons. Je m’étais donné la consigne de ne jamais coller au réel ainsi qu’on le fait dans une autobiographie. Si le texte me demandait un écart par rapport au réel, j’y allais. Par exemple, la promenade en ville avec l’enfant n’a jamais existé, elle condense plusieurs années de promenade. Je ne me suis pas interdit de glisser de la fiction là où il le fallait.
De plus, j’avais une attention permanente au langage, une attention qui entre parfois en conflit avec celle au réel. La vraie réponse à la question sur le statut du livre est à donner par le lecteur.
Pour être vraiment honnête, je dois dire : J’espère que c’est un roman.


Votre avez vécu et vivez dans un univers où le langage est particulièrement important, votre père était psychanalyste, vous écrivez, enseignez la littérature, or Robinson est sans langage. Votre livre est-il né pour le faire tout de même exister par le langage?
On dirait que la littérature telle que je la fais sert à compenser les absences, les trous du langage.
Je fais partie de ces gens qui souffrent de ce que le langage ne corresponde pas au réel. D’où mon intérêt pour Francis Ponge, ou des auteurs qui, comme lui, essaient de le faire coller au réel.
Je me souviens, c’était pendant les vacances, je devais avoir 6 ans, je disais : " la porte pourrait s’appeler autrement, elle s’en fout qu’on l’appelle la porte, il n’y a pas raison qu’elle s’appelle la porte " et cela m’a donné un fort sentiment d’angoisse.
Pourquoi ? Je ne sais pas. La littérature serait le moyen de rattraper le langage, là où il fait défaut.

Nicole Malinconi est aussi dans cette problématique. Elle donne la parole là où il n’y en a pas, à ceux qui ne l’ont pas, pour qui elle boite, comme dans Hôpital silence, notamment.

Moi, je donne la parole à des morts, à un enfant qui ne parle pas ; je ne peux pas nier que je vais au trou du langage.
Avec une sorte de grand trouble puisque Roland Barthes, Jacques Lacan, mes références intellectuelles, définissent l’être humain par le langage... il n’y a pas de doute que Robinson est un être humain, il n’est pas un animal, il vit parmi les humains et pourtant il est quasiment hors du langage, il n’est qu’un tout petit peu dedans, si peu.

J’aime les situations qui remettent en cause un préjugé idiot, mais j’aime plus encore une situation qui remet en cause un préjugé intelligent. Je suis évidemment toujours d’accord avec l’idée que le langage définit l’être humain et pourtant Robinson, qui ne parle pas, est un être humain. Alors je ne comprends pas. Alors je n’ai plus qu’à raconter. Écrire.


Est-ce que vous écrivez pour dire l’absence, la mort ou pour maintenir vivant le souvenir, pour vous souvenir?
Les deux. J’écris pour me souvenir, pour essayer d’arrêter la fuite du temps. Je suis content d’avoir une trace de ce Robinson à cet âge, puisque le temps a passé depuis. Je le suis aussi d’avoir gardé la trace de la mort de mes parents. Mais cela ne justifie qu’une part de ce que j’ai écrit, alors que la question fondamentale du manque, du défaut du langage, justifie tout ce que j’ai écrit. Écrire pour compenser le trou du langage, bizarrement c’est compenser le mal par le mal. Le défaut du langage ne peut être compensé que par du langage...


Vous êtes plusieurs auteurs liégeois, Rossano Rosi, Serge Delaive, ... et vous-même à écrire à la fois de la poésie et du roman. D’autres belges francophones comme William Cliff et Guy Goffette le font aussi. Il me semble que c’est moins fréquent en France...
Si cela paraît bien une caractéristique de certains écrivains belges, je crois que c’est avant tout lié à des effets de structures éditoriales ou de diffusion de la poésie comme je l’esquissais un peu plus tôt, mais cela n’est pas dû à une quelconque âme belge.

Je dirais deux choses.

Tout d’abord, ce fameux interdit moderne du sens est moins fort en Belgique qu’en France. Ensuite, les petites structures éditoriales magnifiques en Belgique, comme Tétras Lyre, qui se dévouent à publier de beaux livres, donnent envie d’écrire de la poésie. Les revues aussi comme La bafouille incontinente ou Boustro.

Des lieux se sont faits ou se font le relais de ce travail. Je pense à l’exemple fameux du Cirque Divers. Les soirées de poésie d’abord organisées par Jacques Izoard, puis pendant très longtemps par Carmelo Virone ont aidé à ce que la poésie se développe.

Il y a eu Le Fram, les Parlantes aussi... Il y a les librairies Pax et Livre aux trésors. Quand on est poète ou jeune poète à Liège, on n’est pas tout seul, on n’écrit pas dans le désert. Tout est très vivant, foisonnant, divers, désordonné et fragile.

Est-ce qu’il existe quelque chose de semblable en France ? je ne sais pas...

Cela ne suffit pourtant pas. Sinon, on n’écrirait que de la poésie. Le milieu de la poésie reste malgré tout un micro milieu.
On écrit aussi des romans pour sortir du petit monde de la poésie. Quand j’ai écrit Même mort, le livre auquel je tiens le plus avec Robinson, j’ai l’impression d’avoir fait ce que je voulais faire, cela faisait 15 ans que j’avais l’idée des variations, je n’y arrivais pas, je n’avais pas le matériel, le savoir-faire technique, le sujet qui le permettait.

Ce livre, même s’il est basé sur une tragédie – la mort de mes deux parents en trois mois – est une sorte de miracle.
Mais Le Fram a cessé d’exister après sa parution. Alors j’ai pensé, il faut que j’écrive des romans pour que ma poésie existe.

Ce n’est pas cela qui s’est passé réellement, je n’ai pas écrit Robinson pour ça, mais je sais que je l’ai pensé...


Bibliographie sélective de Laurent Demoulin
Robinson, Gallimard, 2016
Palimpseste insistant, Tétras Lyre, 2014
L’Après. Notes éparses au sujet de la poésie (et de la prose), numéro Hors-série (n°32) de La Bafouille incontinente, décembre 2013
Même mort, Le Fram, 2011
Trop tard, Tétras Lyre, 2007 (prix Marcel Thiry 2009)
Filiation, Le Fram, 2001
Ulysse Lumumba, Talus d'Approche, 2000, édition revue et largement augmentée, Le Cormier, 2014


© Michel Zumkir, 2017








Metadata

Auteurs
Michel Zumkir
Sujet
L'oeuvre littéraire de Laurent Demoulin
Genre
Entretien
Langue
Français
Relation
Revue Le Carnet et les Instants 194 - 2e trim. 2017
Droits
© Michel Zumkir, 2017