© 2015, Josse Goffin, Regard à gauche

L’Art de la séquence. Les albums illustrés de Michel Van Zeveren

Fanny Deschamps

Texte

[Rencontre avec Michel Van Zeveren, auteur illustrateur de livre Jeunesse]

Quelques albums illustrés de Michel Van Zeveren:

Et pourquoi?, L’école des loisirs, Pastel, 2007.
La Porte, L’école des loisirs, Pastel, 2008.
C’est pas grave, L’école des loisirs, Pastel, 2010.
J’habite ici, L’école des loisirs, Pastel, 2015.
C’est à moi ça, L’école des loisirs, Pastel, 2016.
Dessine-moi un petit prince, L’école des loisirs, Pastel, 2017.
Le Plat du loup plat, L’école des loisirs, Pastel, 2021.



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Les albums de Michel Van Zeveren sont riches en surprises, chutes inattendues et entourloupes en tous genres. C’est peut-être pour cette raison qu’ils font partie de ces livres que les enfants relisent inlassablement.
Dans son univers, les lapins peuvent être aventureux, les loups aplatis, les éléphants cléments, les gorilles (presque) courageux et les chiens poètes.
Il manie avec dextérité l’art de la séquence: ses livres sont constitués d’histoires courtes, se déroulant dans un seul espace-temps, usent et abusent de l’humour et s’achèvent bien souvent sur une pirouette malicieuse, pour le plus grand plaisir des lecteurs.
Il y a dans son travail quelque chose de l’ordre du dessin animé dans son rythme, l’agencement des images entre elles. Rien d’étonnant à cela lorsqu’on découvre que c’est une fascination pour l’animation qui a amené Michel Van Zeveren, que rien ne prédestinait à devenir auteur-illustrateur, à choisir ce métier. Nous avons eu le plaisir de le rencontrer dans son atelier sous les toits, entouré de ses nombreux carnets et croquis.


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C& I: Michel Van Zeveren, quel était votre rapport aux livres, lorsque vous étiez enfant ? Avez-vous des souvenirs particuliers de lecture?

M VZ: Quand j’étais petit, je n’avais pas d’albums illustrés pour enfant, mais des bandes dessinées telles que Les tuniques bleues, Spirou et Fantasio, Tintin, des classiques, en somme.
J’y ai consacré tout mon argent de poche pendant des années ! Aujourd’hui encore, je n’arrive pas à m’en séparer, même celles que je ne lis plus.
C’est qu’elles contiennent tellement d’images qui m’ont marqué...
Dans le grenier mes grands-parents, j’avais accès à d’autres livres, notamment les lectures d’enfance de mon père, de vieux magazines illustrés…
J’y ai aussi trouvé un livre qui m’a profondément marqué: La Bête est morte ! d’Edmond Calvo. Il s’agit d’une bande dessinée réalisée pendant la Deuxième guerre mondiale, proche de l’univers Disney, une sorte d’ancêtre de Maus dans lequel les Français sont des lapins, les Anglais des bulldogs. Certaines illustrations sont spectaculaires, quand on les voit gamin on ne peut plus se les enlever de la tête. Il m’a laissé des impressions très fortes.
Du côté de mes grands-parents maternels, qui vivaient à la mer du Nord, c’étaient les Suske en Wiske [Bob et Bobette, ndlr­]. J’ai gardé ces anciennes versions, avec des illustrations fantastiques de Willy Vandersteen et son imaginaire incroyable.
Mon grand-père tenait un commerce de type marchand de tabac et avait un petit kiosque dans lequel il vendait des comics. Tout ça m’intéressait beaucoup. Avec mes copains, nous prolongions cet imaginaire dans nos jeux: c’était vraiment tout un monde qui m’a beaucoup nourri.
J’étais très cowboys et militaires: films de guerre, westerns… Mes dessins d’enfants représentaient des armées entières de soldats!
J’aurais aimé avoir entre les mains des albums comme Max et les maximonstres, qui doivent laisser des impressions très fortes.



Comment en êtes-vous venu à choisir ce métier?


Après avoir suivi un cursus scolaire classique, à dix-huit ans, je ne savais pas ce que je voulais faire. J’adorais toujours autant la bande dessinée et mes lectures avaient évolué vers des séries comme Les passagers du vent ou Les sept vies de l’épervier, avec des structures narratives qui se prolongent sur plusieurs albums et un propos adulte.
Mais à ce moment-là, dessiner n’était pas une possibilité que j’envisageais. Comme j’étais un peu perdu par rapport au choix de mes études, j’ai voyagé une année entière, en Hollande pour apprendre le néerlandais, puis aux États-Unis pour l’anglais.
Et c’est là-bas que je suis tombé sur un livre qui a véritablement été déterminant pour moi.
Cet ouvrage consacré aux studios Disney racontait tout ce qu’ils avaient mis en place pour construire cet art, qui était alors tout neuf. Disney, c’était le premier à articuler dessin, animation, voix, effets spéciaux dans des longs métrages.
Ça m’a passionné, la description du travail derrière cette forme d’art complexe et ultime. J’ai eu envie de m’y lancer. À cet âge-là, on ne se pose pas trop de questions, même si cette idée me parait assez dingue après coup.
Je me suis inscrit à l’ERG [École de Recherche Graphique, à Bruxelles, ndlr], qui ne demandait aucun bagage technique préalable. L’enseignement était basé sur le concept, on ne devait pas savoir dessiner à l’entrée mais défendre son projet verbalement. Je me suis vite rendu compte de mes lacunes, notamment parce que la plupart des étudiants dessinaient très bien. J’ai rapidement compris que le dessin animé était inaccessible pour moi.
En revanche, en suivant le cours d’illustration de Dominique Maes, je me suis aperçu que l’album donnait le même plaisir et les mêmes possibilités de narration mais avec une liberté beaucoup plus grande.
Douze doubles pages, un texte bien calibré, ça me semblait très abordable. Naïvement, ça me paraissait facile…
Par la suite, j’ai découvert que c’est bien plus complexe que ça! C’est pourtant cette difficulté dans la simplicité qui me plaît, et la recherche de cet équilibre me motive encore aujourd’hui. Des images fortes, des séquences avec une certaine dynamique, et tout ça avec deux fois rien, des crayons et du papier. Finalement, j’y retrouve ce qui m’avait attiré dans le dessin animé.



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Pour certains illustrateurs, le dessin est une fin en soi. Je n’ai pas l’impression que ce soit votre cas. Quel est la place du dessin dans votre travail? Est-il plutôt un moyen qu’un but?


Le dessin est un outil pour raconter une histoire, au même titre que le texte, ou la couleur.
Comme je conçois tout moi-même, je passe par des phases pendant lesquelles je suis plus axé parfois sur la recherche de scénario, parfois sur le texte ou la recherche de couleur, et ensuite je dois retrouver le plaisir du dessin.
Je peux passer de longues périodes sans vraiment dessiner. Il me faut retrouver un plaisir du trait, me laisser inspirer par ce qui vient sur le papier.
Ça peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour réacquérir cette fibre, être vraiment dans le plaisir du dessin.C’est important de le retrouver, parce que ça se sent dans le livre.
Peut-être que le fait de devoir passer par des périodes d’écriture m’empêche de développer mon dessin davantage. C’est à la fois ma force et mon point faible.
Je vois ce pur plaisir du trait chez Pascal Lemaître, par exemple, chez qui le dessin s’est mis en place comme une écriture, et par moment il me semble que je trouve quelque chose de ce qu’il doit ressentir. Mais j’aime également cette liberté que je m’octroie en faisant mes propres histoires.



Et cela vous a-t-il pris du temps de trouver votre style, votre trait?



À l’ERG, j’évitais le dessin. Je trouvais des subterfuges: je faisais des histoires sans représenter de visage, avec des aplats de couleurs, pour ne pas dessiner d’expression faciale. J’étais très influencé par Solotareff, Antoon Krings…
Mais j’avais de réelles lacunes pour le dessin au trait, ou même pour faire un aplat de couleur. Or il faut bien en passer par là. Il m’a fallu du temps pour le réaliser, et puis m’y mettre, en autoapprentissage. En me confrontant au monde professionnel, j’ai dû m’y frotter, comprendre comment dessiner.
À vrai dire, c’était passionnant. J’ai presque une nostalgie de cette époque-là... Un période faite de grandes joies mais aussi de grandes angoisses, et il n’aurait pas fallu grand-chose pour laisser tomber. Je pense souvent à ces jeunes illustrateurs dont le talent est évident mais pas abouti: c’est tellement dur d’en vivre, il faut une sacrée obstination pour continuer. Et de la chance, aussi.



Quelles sont les plus importantes leçons que vous ayez apprises, au cours de vos études ou de votre carrière?


Il y a bien quelque chose d’essentiel et de tout simple qu’il m’a pourtant fallu du temps pour comprendre: il faut être honnête avec soi-même, avec ce qui est sur le papier.
À l’ERG, je pouvais m’en tirer avec un concept et la tchatche. Ça m’a permis de réfléchir en profondeur sur la forme et le fond.
Mais au final, seul compte ce qu’il y a sur le papier qui compte, puisqu’on n’est pas à côté du lecteur pour l’accompagner.
Cette honnêteté ne va pas de soi: certains mécanismes font qu’on finit par se convaincre de ce qu’on fait, sans s’en rendre compte. Il y a peut-être une autocomplaisance… L’entourage direct ne va peut-être pas toujours être tout à fait franc. Le plus difficile pour moi, c’est de savoir regarder ce qui est sur ma feuille et ressentir si ça fonctionne ou pas. Tout simplement. Est-ce que c’est juste? Il n’y a que soi-même qui puisse en juger.
Bien sûr, à un moment donné, mon éditrice va apporter un autre regard. Et parfois le simple fait de lui raconter un projet me permet de me rendre compte si ça marche. Parfois c’est compliqué de voir ce qui bloque.



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Quelle importance a le regard d’autrui dans votre travail?


J’essaie d’avancer seul jusqu’à l’étape de la maquette; car c’est de la cuisine interne. J’ai envie de pouvoir essayer toutes les combinaisons possibles, de pouvoir me tromper. Parfois, je sais qu’une phrase est parfaitement ridicule au moment où je l’écris, mais il faut que je le voie moi-même.
Une fois que c’est sur le papier, je peux m’en détacher. Au fur et à mesure je commence à y voir clair.
La dernière étape est la plus difficile pour moi, car c’est celle où l’on fixe les choses: il faut passer à l’encrage, aux couleurs définitives, je sais que ça sera imprimé et qu’il ne sera plus possible de revenir dessus.
Aujourd'hui, je constate que ça devient plus compliqué qu’avant de «lâcher». Il y a des livres que je recommence trois, quatre fois.
Par exemple, dans la première version de Et pourquoi?, le loup et le chaperon rouge étaient un crocodile et une grenouille, mais il y avait un problème de lisibilité dû aux couleurs (ils étaient tous les deux verts dans une jungle verte).
J’emmène tout ça lors de mes visites de classes pour montrer tout le travail qu’il y a derrière un livre, toutes les étapes.



Quel est le point de départ d’un livre?


Par exemple, C’est pas grave était une petite phrase que j’entendais beaucoup à ce moment-là. J’ai essayé plein de choses dans un carnet, toutes sortes de situations, jusqu’à ce dessin: dans le ventre d’un ogre, un petit garçon dit «C’est pas grave», alors qu’il est clair que ça ne peut pas être plus grave que ça!
Par la suite, j’ai préféré opter pour un lapin dans le ventre d’un loup, et une forme d’humour est apparue. Autour de ça, il fallait imaginer le récit: comment allait-il se retrouver dans le ventre de ce loup, et comment allait-il en sortir?
J’ai essayé différentes pistes, j’en ai laissé tomber. Petit à petit, je suis arrivé à une histoire bien rythmée, qui fonctionne. Ça prend parfois du temps, il m’arrive de passer une journée sur une double feuille à me demander comment faire avancer l’histoire, à chercher dans tous les sens.



Vous travaillez souvent par séquences...


Oui, c’est comme dans la bande dessinée ou le dessin animé.
Ce que j’aime, c’est de voir comment ça va s’articuler dans le livre.
Pour ça, je photocopie mes carnets, je découpe les dessins intéressants, je réécris le texte, je mets tout par terre et je compose le livre.
Ensuite, je construis une petite maquette en papier avec mon tube de colle. J’adore faire ça! C’est comme un puzzle, un véritable exercice mental. C’est très révélateur, c’est là qu’on voit si le livre fonctionne ou pas: les vis-à-vis, le rythme, faut-il ajouter ou supprimer des pages… Et puis c’est gai d’avoir déjà un petit objet, à feuilleter.
Si ça marche déjà avec des petits dessins vite faits, pas de mise en page, à cette étape, c’est bon, on est à l’aise pour concevoir tout le reste.
J’en ai quelques-uns sur mes étagères, dont j’ignore s’ils deviendront un jour un livre ou pas.



Comment se passe l’étape suivante, celle de la réalisation du dessin final?


C’est un fameux boulot…
J’essaie toujours que le personnage ne change pas de taille, toujours dans cette idée de narration fluide, proche du dessin animé ou de la bande dessinée. Il faut trouver la bonne échelle pour que tout ce qui est autour de lui soit adéquat. Il faut aussi trouver la place pour le texte…
Entre spontanéité et calibrage, j’essaie de trouver le juste milieu.
Le dessin final en tant que tel ne me prend pas tellement de temps, mais cette recherche, et celle de la couleur, peut en prendre.
Dans J’habite ici, je voulais une ambiance de nuit mais je ne voulais pas que la couleur de fond soit foncée, il fallait quelque chose de lisible.
J’ai réussi à trouver une solution qui donne la bonne atmosphère grâce aux bougies, aux ombres portées.
Les histoires consistent toujours en une action très rapprochée, qui gardera par conséquent la même ambiance tout au long du livre.
Une fois que j’ai trouvé la gamme chromatique, il est rare que je doive en changer. L’essentiel du travail est dans la préparation.
De tous mes livres, La Porte était le plus facile à concevoir: il est sorti comme ça, d’un coup. Ça n’est arrivé qu’une fois, malheureusement !



Vos personnages sont le plus souvent des animaux. Pour quelle raison?


Les animaux sont tout d’abord très chouettes à dessiner. Ils sont expressifs: on peut jouer avec des éléments que les humains n’ont pas.
Quand un loup n’a pas le moral, son museau peut être un peu plus mou; on peut jouer avec les oreilles du lapin pour le montrer content ou triste.
Ça ne choque pas l’œil car il y a toute une culture des animaux dessinés, on les a vus sous toutes les formes.
Tandis qu’avec un humain, c’est plus compliqué, on tombe rapidement dans la caricature.
De plus, les animaux apportent de l’humour. L’exemple dont je parlais de l’enfant dans le ventre de l’ogre est moins drôle et beaucoup plus frontal que le lapin dans le ventre du loup, pourtant l’idée est la même.
Ce que j’aime aussi avec les animaux, c’est que comme je ne les habille pas, ils sont d’une seule couleur, il y a là une simplicité graphique qui me plait. Ils ont une expressivité évidente, une identité: un crocodile, une grenouille ou une biche, ça n’est pas la même chose. Tout un imaginaire préconçu apparait en fonction de ce choix, instantanément. Comme je travaille dans une économie de moyens, avec peu de place, peu de mots et d’images, il faut trouver des trucs pour qu’on entre dans l’histoire, et les animaux permettent cela.
Parfois j’utilise un personnage humain, et s’il est bien conçu, c’est très agréable. C’est vrai que ce sera plutôt le chasseur, le chaperon rouge ou l’homme de Cro-Magnon, des archétypes qui fonctionnent de la même manière que des animaux.
Ce travail des animaux s’inscrit aussi dans une tradition qui a sa raison d’être. C’est terriblement efficace.


Comme dans La Bête est morte que vous citiez.


En effet, ce sont des lapins et des loups. Avec des humains, ce ne serait pas le même livre.



Vos albums présentent souvent une structure particulière: répétition, énumération...


Ce qui me plait, c’est de prendre le lecteur par la main, d’avoir une mise en place évidente, simple et hop ! je l’emmène…
Il faut que ça soit facile de passer d’une image à l’autre.
Mon plaisir c’est de donner une apparence simple, puis qu’il y ait un retournement, avec une sorte de passe-passe.
J’aime les albums à chute. C’est une sorte de mécanique, si on peut appeler ça comme ça, qui me plaît.
Je pense que chaque auteur a son rythme, et c’est celui qui me convient.
D’autres seront dans le conte, quelque chose de plus écrit, dans l’ambiance, ou l’on se pose sur chaque image… Les miens se lisent vite mais se relisent souvent, notamment parce que j’essaie qu’il y ait plusieurs niveaux de lecture et des choses à remarquer, des détails qu’on ne voit pas à la première lecture où même une réflexion plus profonde qui peut surgir.
Parfois le personnage est à un carrefour et on peut se demander ce qui serait arrivé s’il n’avait pas fait un tel choix. J’aime penser à ça, c’est une gymnastique mentale qui me plait. Moi-même, je relis chaque livre des centaines de fois. J’essaie que tout soit le plus fluide et en même temps le plus riche possible.
Par exemple, dans C’est pas grave, j’ai introduit une petite taupe en dernière minute. Ça ajoute une autre histoire dans l’histoire. Les enfants le remarquent, posent des questions. La taupe rentre complètement dans le propos et l’enrichit d’une nouvelle profondeur. Elle donne une justesse au livre.



Avez-vous un attachement particulier à l’un ou l’autre de vos albums?


C’est toujours difficile de répondre à cette question ! Mais c’est vrai que C’est pas grave et La Porte me tienne particulièrement à cœur.
C’est marrant parce qu’ils sont sortis l’un après l’autre. Et en même temps, j’adore le tout dernier, Le Plat du loup plat.
C’est toujours un attachement subjectif, par rapport à des éléments de ma vie, comme C’est à moi ça ou Dessine-moi un petit prince qui sont liés à ma fille. Ça tient aussi peut-être au plaisir qu’on a à les relire face à une classe. C’est pas grave, je ne m’en lasse pas. Il marche vraiment bien avec les gosses.



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Que vous apportent les animations dans les classes d'enfants?


Ça donne du sens. Au départ, je ne voulais pas en faire, je voulais être illustrateur aussi pour rester tranquille chez moi! C’est Luc Battieuw qui m’a dit d’y aller… et j’y suis allé.
Finalement, je me suis rendu compte que ça entrait parfaitement dans mon travail d’aller voir sur place comment ça se passe, comment les profs, bibliothécaires ou libraires travaillent, voir la vie du livre...
Dans les classes avec les gamins, on a un retour de l’ordre de l’émerveillement. Ça serait dommage de s’en passer.
Ils ont en général de quatre à sept ans, un âge très chouette. Quand je leur lis une histoire en jouant les personnages, ils marchent complètement, ce qui est génial parce qu’on est coupé de cet aspect-là quand on écrit une histoire, on est seul juge.
Voir ces petites bouilles en train d’écouter, c’est une récompense. Ça prend beaucoup d’énergie, mais c’est largement compensé par le plaisir des rencontres.



Quels sont vos projets?


Je travaille depuis presque trois ans sur un projet qui me tient à cœur. Il s’agit d’une série de quatre livres qui s’appelle Ma Vie en vert.
Les deux premiers sortent en septembre 2021, les suivants au printemps 2022.
L’origine de ce projet est à l’opposé de ma démarche habituelle.
Mon éditrice, Odile Josselin [pour les éditions Pastel, ndlr], me faisait remarquer qu’entre l’album et le premier roman il y a peu de livres intermédiaires, et les enfants ont souvent des difficultés à passer de l’un à l’autre.
Elle m’a mis au défi de travailler sur un projet commun avec Thomas Lavachery.
Nous avons commencé l’un et l’autre à apporter des idées, puis nous nous sommes rendu compte que nous partions dans des directions différentes.
J’ai continué seul sur ce projet.
Il s’agit de quelque chose de nouveau pour moi: les livres sont proches du roman sur la forme mais il y a peu de texte, c’est très aéré, il y a beaucoup d’illustrations. Je voulais qu’il y ait un propos qui dépasse ce qu’on trouve dans mes albums.
L’idée de base est toute simple: des Martiens arrivent sur terre et obligent tout le monde à être vert et à marcher sur un seul pied. C’est un gag en apparence, mais qui a l’avantage de me permettre de parler du monde d’aujourd’hui: des écrans, de l’école, de la nourriture...
Chaque livre équivaut à une histoire et peut être lu séparément, mais le tout forme une aventure.
J’essaie d’avoir un dessin très léger, qui permette au texte d’exister à côté. Les livres sont organisés en courts chapitres.
C’était une super expérience. J’y ai beaucoup travaillé pendant le confinement, ça m’a aidé d’avoir ce projet sur lequel se concentrer.
Il y a d’ailleurs un parallèle avec le confinement: dans un des livres, l’héroïne et sa famille sont obligés de vivre à l’intérieur. Un parallèle intéressant en temps de crise!

  

© Fanny Deschamps, revue Le Carnet et les instants, 3e trimestre 2021



Metadata

Auteurs
Fanny Deschamps
Sujet
La création des albums illustrés, par Michel Van Zeveren
Genre
Entretien
Langue
Français
Relation
Revue Le Carnet et les instants, 3e trimestre 2021
Droits
© Fanny Deschamps, revue Le Carnet et les instants, 3e trimestre 2021